Vice : média sulfureux, touche à tout et novateur

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Vice, marque multimédia leader chez les 15-35 ans, a bâti un véritable empire médiatique de la contre-culture avec des sujets sérieux ou marginaux toujours traités sur un ton décalé et irrévérencieux. Cette volonté de secouer une presse trop conformiste a trouvé un nouveau terrain de jeu : Vice veut désormais séduire les femmes. Cette véritable marque-média, qui incarne le cool, cultive son identité rédactionnelle parfois en opposition aux médias traditionnels, et étends son influence en touchant à tout les domaines et supports : web, vidéos, art, mode,… Un pari qui semble fonctionner.

Dans quelques semaines, Vice lancera Broadly, une nouvelle plate-forme web et vidéo qui déclinera des sujets dédiés aux femmes sur plusieurs thématiques à travers des reportages vidéo et écrits : politique, féminisme, mode, sexe et culture seront ainsi traités. Le titre de presse continue son ascension fulgurante depuis sa création comme simple fanzine punk par trois amis Montréalais hipsters en 1994.

Un média marginal et sulfureux

Au départ, les fondateurs, Shane Smith, Suroosh Alvi et Gavin McInnes, font le pari d’un magazine gratuit afin de conserver une liberté de ton. C’est elle qui va conquérir les fans de la contre-culture et la jeunesse branchée. Vice est distribué dans les bars underground, les galeries d’art, les skateshops, les facs et des enseignes comme American Apparel. Le magazine acquiert rapidement le statut d’objet de collection. Des sujets sérieux et un ton décalé, voila la marque de fabrique du titre.

Vice juxtapose humour cynique, premier degré, absurdité, critique de la société postmoderne, reportages d’investigation sur des sujets peu traités dans les autres titres de presse,…avec toujours une écriture à la première personne. « Les influences de Vice sont disparates, mais communes à toutes les rédactions, » raconte Julien Morel, rédacteur en chef de Vice France.

Une marque média du cool

Le titre est aussi une vitrine arty des talents émergents de la contre-culture, ce qui accentue son image de marque cool. Le magazine édite une fois par an un numéro spécial photo devenu culte, ou l’on y trouve des clichés de Richard Kern ou Terry Richardson, aussi bien que du photojournalisme. Vice a étendu son influence à la mode en rachetant la bible fashion i-D en 2012.

Vice a été précurseur et multitâche, à l’image de la génération qui le lit. Il a diversifié ses activités en développant une agence de publicité, un label de musique, une société de production et l’organisation de soirées mémorables. Les marques s’associent à lui pour toucher leur cible. « Il est important que Vice soit une marque média, car c’est d’abord un savoir-faire et ainsi on le préserve », explique Benjamin Lassale, directeur général de Vice Media France.

Le premier média des 15-35 ans

« Nous avons toujours voulu être la première voix internationale des contre-cultures de la jeunesse du monde », a expliqué le fondateur du groupe, Shane Smith, au Guardian. Conflits géopolitiques, enjeux écologiques et reportages en immersion dans les points chauds de la planète, là où peu de médias s’aventurent: la ligne éditoriale privilégie la pratique du story-telling par des journalistes qui expriment leur subjectivité, garante de l’authenticité. « C’est l’histoire qui fait le reportage, on ne sait pas à l’avance ce que nous ramènera le journaliste. C’est une manière très à l’ancienne de faire du journalisme de terrain », explique Benjamin Lassale.

 

Chaine Youtube de Vice
Chaine Youtube de Vice

Cette identité éditoriale séduit une cible jeune qui ne lit plus la presse et ne regarde plus le journal télévisé. Cartels de drogue au Mexique, rencontres avec l’IRA, homophobie en Russie, série sur les conflits en Ukraine ou au Liberia, reportage à l’intérieur du groupe Daesh… « Si notre façon de faire ne plaît pas à la vieille garde des médias, ils peuvent aller au diable », réponds Shane Smith à ceux qui critiquent le manque de distance journalistique du média.

Dès 1996, le titre a effectué le passage du papier au numérique, et aujourd’hui c’est le média online qui produit le plus de contenus vidéo à travers différentes plates-formes : le site Vice.com, où l’on trouve les articles du magazine, des news et les reportages vidéo ; Noisey, consacré aux découvertes musicales ; The Creators Project, pour l’art numérique ; Motherboard, qui traite des nouvelles technologies ; et plus récemment Vice News, axé sur la géopolitique. «Une réussite démente dans les médias destinés aux jeunes, qui ne lisent plus et ne regardent plus les médias établis », a déclaré le magnat de la presse Rupert Murdoch, investisseur dans Vice.

Des femmes aux postes clés

Vice est devenu un véritable empire digital, leader sur le marché de contenus vidéo online, qui pèse 2,5 milliards de dollars. Ce réseau visionnaire a recruté des femmes pour piloter les postes les plus importants de l’entreprise. La nouvelle directrice générale de Vice Media est l’ancienne directrice adjointe du cabinet de Barack Obama, Alyssa Mastromonaco. « Vice ne cesse de grandir, mais la marque est toujours restée fidèle à sa mission : raconter des histoires d’une façon différente des autres médias. Derrière Vice, il y a des employés parmi les plus brillants et créatifs des médias », a expliqué la jeune femme.

Ellis Jones, 30 ans, a été promue rédactrice en chef des trente-six éditions de Vice à travers le monde. Rien qu’en Espagne, la rédaction est déjà composée à 80 % de femmes. « Si vous regardez le paysage actuel, les médias féminins sont pour la plupart peu créatifs », analyse Shanon Kelley, bientôt aux commandes de Broadly. « Les sites réagissent à l’actu, s’arrêtent sur les célébrités ou abordent les dernières tendances mode et beauté. Peu raconte des histoires originales auxquelles les femmes peuvent s’identifier. »

Un média qui évolue mais conserve son ADN

Bien que Vice existe depuis vingt ans son directeur de contenu, Eddy Moretti affirme que « Nous n’avons rien changé sur le fond depuis les débuts ». Souvent copié mais jamais égalé, Vice jouit d’une réussite économique bien établie, à l’heure où la presse souffre de la conjoncture. « Avant, Vice était considéré comme un média de niche. Les gens ont pris conscience qu’il est la voix d’une génération. C’est une vision du journalisme qui épouse ce qu’attendent les gens fatigués des médias traditionnels», poursuit Benjamin Lassale. Vice continue à détenir la majorité des parts de son empire médiatique et reste indépendant malgré les investissements réalisés.

Avec plus de 4 000 collaborateurs à travers le monde, l’audience globale mensuelle (pour toutes les plateformes confondues) compte 200 millions de vues…et le nombre de visiteurs continue de grimper.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.