La douce illusion d’une ouverture journalistique vietnamienne

Le vice-Premier ministre du Vietnam Vũ Đức Đam  ©VTC News
Le vice-Premier ministre du Vietnam Vũ Đức Đam ©VTC News

Une première depuis 15 ans. En novembre 2014, le vice-Premier ministre Vietnamien Vũ Đức Đam a exprimé vouloir réviser la loi encadrant le métier de journaliste pour «  être en adéquation avec les tendances du développement national  ». Véritable pas vers une ouverture de la liberté de presse ou écran de fumée  ?

174e sur 180 au classement de la liberté de presse 2014 de Reporter Sans Frontières, le Vietnam ne fait pas figure de modèle en la matière. Les ficelles des télévisions, radios et journaux sont tenues par les plus hautes autorités politiques.  L’annonce d’une révision de la loi sur le journalisme fait l’effet d’un boum, la profession espérant voir son nombre de prisonniers pour atteinte au pouvoir en place diminuer.

Quel est le but de cette révision  ?

Le Vietnam possède aujourd’hui 838 journaux, 67 stations audiovisuelles, et avec l’arrivée d’internet 90 journaux électroniques, 207 sites. Un développement tant quantitatif que qualitatif, puisque dans ce pays, la presse a pour premier objectif la communication des partis politiques contrôlés par Parti communiste d’État.

Selon le Vice-Premier ministre, cette l’ère du numérique pose de nouveaux problèmes qui exigent une modification de cette loi afin renforcer le statut de la presse pour la communication des options et des politiques du Parti et de l’État durant l’actuel processus d’édification nationale. Le ministère de l’Information et de la Communication a collecté les avis et suggestions afin d’élaborer un projet d’amendement et de complètement de ce texte.

Lors d’une réunion dédiée à cette loi, la centaine d’interventions présentées ont porté sur le rôle et la responsabilité de l’autorité de tutelle d’un journal, la responsabilité de l’administration dans la fourniture d’informations à la presse, les droits d’auteur. D’autres ont traité de la réglementation de la délivrance de la licence d’activité à un journal, sur ses fonctions, sa qualité, son financement et sa comptabilité…

Une réalité plus nuancée

L’espoir d’une liberté de presse telle qu’on l’entend en France est bien sûr vain. Bien que l’intention soit «  louable  », il n’est que ruse de la part du Parti. Certaines propositions seront plus entendues que d’autres, comme celle sur les droits d’auteur qui fait l’objet d’une discussion étendue aux domaines culturels. Mais il est évidents que ce projet a d’abord pour but de renforcer le contrôle de l’État sur la presse.

La révision de la loi sur le journalisme vise avant tout le webjournalisme. Internet et la jeunesse, voilà le véritable objectif de cette réforme. Au Vietnam comme en France, Internet est le premier outil d’information des jeunes. Une cible essentielle pour le Parti, puisqu’un bon camarade est un camarade qui a compris dès son plus jeune âge que l’oncle Hô (Chi Minh) ne veut que son bonheur et sa force de travail pour le bien de la communauté.

Avec 14 journalistes derrière les barreaux en 2012, le Vietnam est la sixième nation qui emprisonne le plus de journalistes au monde. Ces dernières années, les autorités vietnamiennes ont maintenu, chaque année, leurs mesures de répression contre les journalistes critiques en se déchaînant particulièrement sur ceux qui publient en ligne. Parmi eux le blogueur Dieu Cay, de son vrai nom Nguyen Van Hai, libéré en octobre 2014, aujourd’hui sous protectorat américain. Il avait été condamné à 12 ans de prison en septembre 2012 par un tribunal vietnamien qui l’avait accusé de « propagande anti-État ».

Peu d’espoir pour les journalistes vietnamien d’avoir un peu plus de liberté d’expression. Une révision qui, comme on pouvait s’y attendre, n’est faite que pour renforcer le pouvoir de l’État sur la presse. Une propagande bien ficelée.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.