Manipulation politique déjouée à Canal C

Canal C, chaîne de télévision locale de la région namuroise, a récemment refusé de diffuser des spots commandés par la ville de Namur, malgré un partenariat les y autorisant. Pour cause, les vidéos en question incitent explicitement la population à voter « oui » lors de la consultation populaire du 8 février, ce qui mettrait en péril l’indépendance de la chaîne.

 

Capture d'écran du débat organisé par Canal C autour de la consultation populaire
Capture d’écran du débat organisé par Canal C autour de la consultation populaire

Les télévisions locales belges francophones, au nombre de douze, sont publiques. Outre les revenus publicitaires, elles ont donc besoin de subventions plus ou moins importantes pour fonctionner. A Namur, c’est la Ville qui qui verse une partie de ces aide à la chaîne locale. En contrepartie, Canal C s’engage à diffuser jusqu’à quatre campagnes communales de deux semaines sur ses ondes chaque année. Ces aménagements doivent permettre la diffusion de spots « d’intérêt général comme les activités (…) du parc attractif Reine Fabiola », précise le journal L’Avenir dans son édition du 20 janvier 2015.

 

“Nous considérons que le référendum organisé est éminemment politique”

A première vue, lors d’une consultation populaire, comme son nom l’indique, c’est l’intérêt de chacun qui est concerné. Une vidéo appelant la population à se déplacer pour voter et réaliser son devoir de citoyen n’aurait certainement posé aucun problème à la rédaction. Sauf que pour le coup, les spots de la Ville étaient plutôt assimilés à de la propagande.

 

« Votez 3X oui », voilà le message qui en ressort. Cette consultation porte sur le projet de construction d’un centre commercial sur l’emplacement actuel d’un parc, le parc Léopold. Ce débat divise les Namurois depuis plusieurs mois voire, années. Une partie voit dans ce projet une modernisation et un embellissement de la ville. Les autres l’assimilent à un massacre économique et écologique. Trois questions ont été posées dimanche 8 février. Dans les grandes lignes, répondre oui reviendrait à donner son consentement au projet et inversement si la réponse est non.

 

« En période préélectorale, on ne peut diffuser de spots politiques trois mois avant la date clé. La période pourrait d’ailleurs être élargie à quatre mois. Or, ici, et même si une consultation populaire ne rentre pas dans le cadre strict de la loi, nous considérons que le référendum organisé est éminemment politique, mais surtout que les deux clips de la ville le sont résolument. », explique Baudouin Lénelle, directeur de Canal C. Il ajoute que si l’opposition était en possession de vidéos similaire prêtes à être diffusées, ils auraient peut-être pu trouver un terrain d’entente, car l’équité aurait alors été respectée.

 

« Que vous ne diffusez pas nos spots, nous pouvons comprendre, mais ce qui est très dur pour nous, c’est l’ampleur qu’a pris cette affaire », souligne Anne Barzin, échevine de la ville de Namur. En effet, le lendemain de la décision, Canal C fait la une de L’Avenir, l’information est relayée dans plusieurs médias, papier, web, radio et fait même l’objet d’un reportage de la RTBF, première télévision publique belge. Même si les relations rédaction-investisseur seront un peu refroidies pendant un temps, Canal C peut au moins se féliciter de ce rappel à l’ordre concernant l’une des valeurs primordiale du journalisme, l’indépendance.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.