La guerre des clones de BuzzFeed

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Capture d’écran – Site Buzzfeed

« Les chats les plus mignons du web», « trente-deux vrais sosies de célébrités », on a tous déjà été interpellés par les titres « accrocheurs » des listes vite lues-vite oubliés du site Buzzfeed. Souvent critiqué depuis son lancement en 2006, sa rentabilité, qui frise l’insolence au regard de l’état actuel de la presse, fait des envieux (qui ne voudrais pas de 150 millions de visiteurs uniques par mois et d’un chiffre d’affaires estimé à 120 millions de dollars ?).

 Dans le fameux rapport Innovation du New York Times, ce ne sont ni le Washington Post ou le Guardian, ni même Twitter qui sont le plus cités en exemple, mais Buzzfeed, roi incontesté de la course aux clics. Conséquence: l’apparition sur la toile d’une vague de sites d’informations, copies plus ou moins conformes du leader. Le phénomène a atteint la Suède, où les deux plus grands tabloïds ont lancé leur version en ligne il y a quelques mois.

Thomas Mattsson, rédacteur en chef du tabloïd Expressen, a fixé pour objectif à son équipe de développer un site de nouvelles virales en seulement deux semaines. Défi relevé : en Juillet dernier, le journal a lancé Omtalat, ou «parlé de» en suédois. Une impulsion qui s’est vite propagée : il y a eu une explosion des sites d’informations en Suède cette année. Expressen et son rival, Aftonbladet, qui se livrent une compétition acharnée depuis des années, se battent désormais sur le front viral, ce dernier ayant lancé son propre site d’informations, Lajkat cet été également. En dépit d’être dans un pays de seulement 9,6 millions de personnes, les sites ont réussi à attirer un trafic important dans un court laps de temps.

Une solution miracle contestable

Les organisations de presse suédoises sont confrontées aux mêmes défis que les sociétés de médias à travers le monde: les habitudes des lecteurs changent et la publicité traditionnelle continue de diminuer. Prenons Aftonbladet : la diffusion de la version papier a chuté de 17% au cours des neuf premiers mois de 2014.

Les groupes de médias voient ces sites comme un moyen potentiel pour renverser la vapeur. Bien que les revenus en ligne ne remplacent pas ce qui est perdu dans la publicité imprimée, ces sites étant des entreprises à faible coût qui rapportent peu d’argent.

Malheureusement, le contenu ne pourra pas prétendre au Pulitzer : les sites publient souvent des histoires identiques ou des vidéos déjà présentes sur le web. Preuve d’un effet de miroir sans fin, des imitations suédoises d’Omtalat et Lajkat ont même vu le jour, comme ViralKing.

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Un air de déjà-vu?

Un succès à double tranchant

La recette magique de BuzzFeed est de miser sur des articles conçus pour être lus sur les terminaux mobiles.  En publiant des contenus faciles et amusants que les gens ont envie de partager, le site entend se servir des réseaux sociaux comme d’une véritable vitrine.

Du côté positif, on peut remarquer que le site évolue sans cesse, et ne craint pas d’alterner les informations sérieuses et plus légères. BuzzFeed s’offre même le luxe de débaucher des journalistes de renom, à l’instar de Miriam Elder, ancienne directrice du bureau de Moscou pour The Guardian.

L’objectif affiché est bien de se positionner comme une marque de référence mondiale de l’info sur le web et de créer un nouveau type de média. « C’est l’occasion de réinventer la couverture de l’actualité internationale à l’heure des réseaux sociaux », a déclaré Jonah Peretti, le fondateur.

Cependant, même si miser sur les réseaux sociaux peut sembler judicieux, cela sera-t-il toujours le cas ? BuzzFeed réalise 75 % de son audience grâce au trafic généré par ces derniers. Mais son devenir est ainsi chevillé à celui de Facebook ou Twitter. Si, à l’avenir, ces réseaux décidaient de modérer la diffusion du contenu de BuzzFeed, ou si les prochaines générations s’en détournaient, cela changerait sûrement la donne.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.