Citer une femme par jour et par reportage : l’agence Bloomberg impose ses quotas

Les journalistes de Bloomberg ont reçu une nouvelle directive somme toute originale : citer une femme dans chacun de leurs articles. C’est le site Talking Biz News qui a été le premier à faire connaître l’information en publiant un extrait de l’e-mail hebdomadaire envoyé par le rédacteur en chef Matthew Winkler à l’ensemble de ses employés. Il y écrivait : « tous les reportages de Bloomberg News doivent inclure au moins une citation de femme, et il serait préférable qu’autant d’hommes que de femmes soient cités comme sources. Les femmes sont impliquées dans tous les secteurs que nous couvrons. Nos articles doivent refléter cette variété » (traduction Le Monde). Une annonce qui fait naître de nombreuses réactions dans les médias et qui soulève la question de la représentation féminine dans les médias aujourd’hui.

 

 

Pour Matthew Winkler, la solution pour que les femmes soient plus présentes dans les médias est toute trouvée. Il présente à ses employés un document de ressource interne envoyé par e-mail. Et ce document n’est autre qu’une liste de 800 noms de femmes expertes, carnet d’adresse dont les journalistes doivent se servir pour atteindre leur nouvel objectif.

Dans son article « Quota for quotes ? », le quotidien britannique The Telegraph ne manque pas de souligner le caractère inédit de l’initiative en affirmant que l’agence de Matthew Winkler est la première à avoir l’idée d’imposer des quotas liés au sexe de la personne citée dans les articles. La représentation des femmes dans les médias en Grande-Bretagne est un sujet très important. En effet, l’absence de femmes dans les programmes « QI » ou « Mock the Week » sur la chaîne BBC avait donné lieu à leur annulation complète en 2013. Le directeur des programmes de la branche TV de la BBC Danny Cohen trouvait l’absence de représentation féminine dans ces émissions « inacceptable ».

Graphique issu du rapport du 7 décembre 2011 dirigé par Michèle Reiser
Graphique issu du rapport du 7 décembre 2011 dirigé par Michèle Reiser

Quant à la France, le débat sur la représentation des femmes dans les médias fait débat depuis trois ans avec la sortie d’un rapport de 2011 intitulé « Les expertes, bilan d’une année d’autorégulation ». Le travail de la Commission de l’Image des Femmes dans les Médias donnait alors des résultats sans appel : 80% d’intervention d’experts hommes contre 20% pour les femmes, pour tous médias confondus. Les chiffres de la répartition du temps de parole entre expert et expertes sur les plateaux des grandes chaînes sont également parlants. Par exemple, en 2011 (voir graphique ci-contre), un expert monopolisait 81% du temps de parole sur le journal de TF1 contre seulement 19% pour une experte.

En réponse à ces répartitions inégales, plusieurs initiatives ont été prises pour inverser la tendance. Pour Epoke Conseil, agence en coopération avec les éditions Anne Carrière, dire qu’il n’y a pas de femmes expertes est entièrement faux. De plus, cet argument ne doit plus constituer une excuse pour ne pas faire intervenir de femmes sur les plateaux TV ou à la radio. Pour cela, l’agence publie en librairies un guide de 400 expertes chaque année, afin d’aider tous ceux qui, comme l’indique leur site « souhaitent féminiser leurs intervenants ». Géopolitique, sport, médecine, trouver une experte dans tous les domaines n’est plus un casse-tête.

Pour Terrafemina.com, « l’initiative de Bloomberg mériterait d’être généralisée dans tous les organes de presse ». Slate précise toutefois que les quotas ne s’appliqueront pas à tous les articles et dépêches de l’agence mais uniquement aux reportages longs et aux investigations, « projets pour lesquels un journaliste a le temps de sélectionner ses sources ». En bref, « lutter contre le sexisme ordinaire », « s’exprimer pour celles qui ne peuvent pas se faire entendre » sont autant de raisons parmi les 6 que donne l’association Pour les femmes dans les médias créée en 2012 à l’initiative de Françoise Laborde notamment. L’objectif, montrer que les femmes ont leur place dans les médias. Cependant, les conclusions de l’association montrent que les femmes sont nombreuses dans le secteur mais qu’il est encore difficile pour elles de se faire entendre ou d’investir les postes à haute responsabilité.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.