« Nous ne vendrons plus nos livres sur Amazon » : Les petits éditeurs s’adaptent sur internet

Avec le reconfinement, le secteur du livre est à nouveau au point mort. Oubliés de la crise, des éditeurs se sont engagés à ne plus vendre leurs produits sur Amazon. Deux jeunes maisons espèrent s’adapter pour ne pas dépendre du géant américain.

« Nous ne vendrons plus nos livres sur Amazon […] Nous ne sacrifierons pas notre idée du livre pour un compromis financier. » Le 9 novembre, le site Cerveauxnondisponibles publie une tribune signée par plus de 40 maisons d’éditions françaises. Toutes refusent de proposer leurs livres sur la plateforme de vente, afin de soutenir les professionnels du secteur du livre, parfois en grande difficulté. D’habitude, l’achat de livres sur internet représente plus de 20 % des ventes sur le marché. Un pourcentage qui a considérablement augmenté depuis la fermeture des librairies. Les éditeurs Daronnes et Faces cachées, signataires, expliquent leur choix et les difficultés auxquelles ils sont exposés.

Une volonté de s’émanciper d’Amazon

Les éditions Daronnes ont lancé leur maison en janvier dernier. Par principe, les fondatrices ont choisi de ne pas proposer leurs livres sur Amazon. Pari risqué, puisque la jeune maison ne propose pour le moment que cinq ouvrages sur le marché, exclusivement d’autrices féministes. Selon Coline Charpentier, co-fondatrice, « la difficulté est de ne plus recevoir de commandes des librairies. C’est rassurant d’un point de vue économique d’avoir des pré-commandes, or nous n’en avons plus depuis plusieurs semaines. » Pourtant, peu de choses distingue une commande sur Amazon d’une commande sur le site de l’éditeur. L’interface d’achat et les garanties sont les mêmes. Ce qui rentre en compte, c’est la différence de frais de port. « Avec une livraison gratuite presque systématique sur Amazon, c’est plus difficile de faire accepter au client des frais d’envois standards. »

Il en va de même pour les éditions Faces cachées, lancées depuis moins d’un an. Le confinement a été un coup dur pour cet éditeur, pour qui les ventes directes sont importantes. « Nous vendons beaucoup lors d’événements culturels, avec l’appui des libraires. Ce qui nous touche le plus, c’est l’impossibilité de faire des rencontres et des dédicaces. »

Pour eux, travailler avec Amazon n’est pas un projet. C’est donc naturellement qu’ils ont soutenu cette initiative d’indépendance en signant la tribune. « Ne pas être sur Amazon ne change rien pour nous car nous n’avons pas de point de comparaison. Mais nous trouvons leurs conditions de vente trop contraignantes, alors ce n’est pas une option que nous envisageons. » 

« Notre mode de fonctionnement a toujours été de favoriser les réseaux sociaux, chose que beaucoup d’éditeurs négligent. »

Adapter le livre au e-commerce

Malgré leur souhait de vendre indépendamment d’Amazon, beaucoup d’éditeurs tirent leurs revenus des ventes sur ce site. C’est une vitrine non négligeable. Pour s’en détacher durablement, ils sont conscients qu’ils doivent améliorer leur visibilité sur internet et adapter leurs méthodes de vente. « Nous avons développé notre site web et surtout, accentué notre communication, précise Coline Charpentier. Nous avons décidé d’organiser toutes les précommandes de nos livres sur internet et cela a bien fonctionné. » Bien que miser sur une indépendance totale s’avère difficile, les fondatrices sont optimistes : « Il nous faudra prévoir une très bonne publicité pour pousser les gens à acheter directement nos livres sur notre site, et nous avons beaucoup de contrats en cours avec de nouvelles autrices. »

Il en va de même pour les éditions Face cachées, dont la création très récente a tout de même amoindri l’impact du confinement sur les ventes. « Notre unique livre de l’année est sorti le 27 novembre. Nous avons privilégié la communication sur internet, le renvoi vers notre site ainsi que vers les librairies en click&collect, et augmenté le nombre de lives sur Instagram. » En favorisant internet plutôt que la communication traditionnelle, ces petits éditeurs arrivent de plus en plus à sortir du joug des grandes plateformes de vente, notamment d’Amazon. « Notre mode de fonctionnement a toujours été de favoriser les réseaux sociaux, chose que beaucoup d’éditeurs négligent. Notre lectorat très connecté nous le permet. Nous testons le livre numérique pour la première fois également, il sera bientôt disponible et nous avons hâte de voir si ce format attire notre public. »

Ce refus de vendre sur Amazon est un acte fort à quelques semaines de Noël. Le boycott de l’entreprise américaine se renforce à mesure que les petits commerces s’enfoncent dans une crise sanitaire qui semble appeler à durer.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.