Logo de l'application The Sorority

Publiée récemment, l'application The Sorority est une application d'entraide entre femmes et minorités de genre.

Quand les réseaux sociaux servent à éviter les mauvaises rencontres

Récemment, de nombreuses initiatives utilisant les réseaux sociaux ont vu le jour pour protéger du harcèlement ou des agressions. Que cela passe par des groupes privés ou des applications indépendantes, ces démarches ont du succès malgré un manque de coordination.

Le 12 novembre dernier, la cour d’appel de Paris a condamné de deux à sept ans de prison trois jeunes hommes soupçonnés d’avoir agressé des personnes d’origines asiatiques.Un acte qui n’est pas isolé car la communauté doit faire face depuis plusieurs années à une augmentation du nombre d’agressions racistes et d’appels à la violence, à tel point que se sont formés dans certaines villes des groupes de citoyens s’organisant pour se raccompagner en groupe. Des sortes de pédibus pour adultes, dont l’organisation se fait via le réseau social WeChat.

Des groupes dans la plupart des quartiers parisiens

WeChat est une application chinoise peu connue des Français mais immanquable en Asie, proposant sur une seule plateforme les fonctionnalités de plusieurs réseaux sociaux (Whatsapp/Facebook/Twitter). « WeChat est une application qui reste très populaire pour les Chinois hors de Chine, car ceux-ci n’ont pas forcément l’habitude des réseaux sociaux occidentaux » analyse Sun-Lay Tan, porte-parole du Comité sécurité pour tous qui milite pour la défense des communautés asiatiques. Face à l’augmentation des agressions, de petits groupes de discussion entre voisins se sont formés sur l’application, permettant de s’organiser pour ne pas rentrer seul après la nuit. « Les gens s’organisent en fonction de leurs horaires de travail pour se raccompagner mutuellement. Avec WeChat, on peut facilement s’organiser afin de se retrouver à une sortie de métro et rentrer à trois ou quatre. Cela a un effet dissuasif », précise Sun-Lay Tan. L’application permet également de rapidement envoyer des messages textuels ou vocaux à plusieurs personnes, une fonctionnalité efficace en cas de mauvaise rencontre.

Ces groupes accessibles dans la plupart des quartiers parisiens et en banlieue sont un succès : ils comptent en moyenne une trentaine d’utilisateurs actifs. Néanmoins, les communications s’y font en chinois, une particularité excluant d’office le voisinage non sinophone. Pour Sun-Lay Tan, le problème vient de l’origine des groupes : ceux-ci ont été formés sur WeChat et entre Chinois, et il est difficile de tout changer maintenant que tout est en place. « Nous aimerions beaucoup ouvrir notre initiative à plus de monde. Ce qui serait réellement efficace, c’est un système dédié comme un numéro vert ou un véritable service de pédibus organisé par la ville. Malgré nos demandes, rien n’a été fait pour le moment.»

Des applications indépendantes

Les femmes sont elles aussi régulièrement confrontées à l’insécurité. Pour répondre à ce problème, de nombreux groupes Facebook ont été créés afin d’entrer en relation et de partager ses trajets. Pour se passer des GAFAM, certains développeurs ont décidé de proposer leurs propres applications. C’est le cas de The Sorority et de Sekura, sorti cet été et proposant des fonctions comme celles de simuler un appel, d’envoyer rapidement un SMS avec ses coordonnées ou encore de déclencher une alarme sonore. En plus de cela, l’application Sekura propose une carte participative des lieux considérés comme dangereux alors que The Sorority offre un système de notification afin d’alerter les utilisateurs à proximité en cas de problème. Ce n’est pas la première fois que des développeurs indépendants tentent de résoudre le problème des agressions : on peut aussi télécharger sur les boutiques d’applications Garde ton Corps, Handsaway, App- Elles, Street Alert…

Fausses alertes et des messages sexistes

Chaque projet amène une idée originale, comme une affiliation à des restaurants partenaires pour se mettre en sécurité, un système de “copiétonage“ ou encore des cartes interactives. De bonnes idées malheureusement restreintes par l’absence d’unification des réseaux : si les communautés sont divisées, l’efficacité du dispositif l’est également. Ces applications sont aussi limitées par leur accessibilité. Bien que la plupart vérifient l’identité de l’utilisateur à l’inscription (en lui demandant d’envoyer un selfie ou sa carte d’identité), certaines se veulent moins regardantes pour attirer plus d’utilisateurs. Une stratégie qui peut rapidement être utilisée à mauvais escient : l’application Handaway a été victime d’un spam massif de fausses alertes accompagné de messages sexistes, obligeant ses créateurs à temporairement mettre en pause le dispositif. Ces applications peuvent aussi être utilisées par des individus malveillants. Diariata N’Diaye, créatrice d’App-Elles estime qu’il peut être « très dangereux de mettre en contact une personne en situation de vulnérabilité avec des inconnus ». Un problème à moitié résolu par l’implantation d’une liste de contacts d’urgences choisis par l’utilisatrice, limitant le nombre de personnes recevant sa géolocalisation mais aussi la portée de l’application. Les réseaux sociaux offrent donc pour le moment une réponse en demi-teinte au problème de l’insécurité : il s’agit de trouver l’équilibre entre accessibilité, fonctionnalité et sécurité.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.