Netflix cinéma libanais

Netflix soutient le cinéma libanais en crise

“ Made in Lebanon ”: Netflix soutient le cinéma en crise

Le 19 octobre 2020, la plateforme Netflix ajoutait à son catalogue 19 films “ Made in Lebanon ” et annonçait la mise en place d’un fonds de solidarité pour l’industrie libanaise du cinéma.

C’est une petite révolution pour les films libanais disponibles pour la première fois sur une plateforme de streaming mondiale. “ Donner un aperçu des luttes, des espoirs et des rêves des Libanais ”, tel est le crédo de Netflix pour sa collection de films nouvellement restaurés “Made in Lebanon”. La plateforme de SVOD est allée plus loin, annonçant sur Twitter, une levée de fonds de solidarité, en partenariat avec le Fonds Arabe pour les arts et la culture (Afac). À hauteur de 500 000 dollars, ce fonds a pour objectif de venir en aide aux acteurs de l’industrie cinématographique libanaise, notamment suite à la pandémie mondiale de Covid-19. Ce partenariat s’inscrit dans le cadre d’un “ Fonds de crise ” de 150 millions de dollars, annoncé par Netflix en mars 2020, afin de soutenir les communautés créatives du monde entier, touchées par la crise du coronavirus.

Les soutiens financiers se feront individuellement. Chaque membre de la communauté libanaise du cinéma et de la télévision, confronté à des difficultés économiques résultant de perturbation de la vie normale, des arrêts de productions, etc, pourra recevoir une aide de 2000 dollars ” indique l’Afac. Chaque demande est examinée une a une, selon des critères d’éligibilité bien précis. Le Fonds Arabe pour les arts et la culture insiste : la priorité sera donnée aux acteurs de l’industrie les plus démunis.

Une industrie cinématographique à l’agonie

Même si Netflix fait un bel hommage à ce pays en crise, l’industrie du cinéma est au plus bas depuis la fin de la guerre civile, en 1990. Pour Wissam Charaf, réalisateur et journaliste libanais : “ l’industrie cinématographique est à l’agonie… Comme le reste du pays ”. Les scénarios sont tous relus, les films tournés sont regardés avant même de sortir puis sont censurés au besoin par les institutions religieuses. Les films ne doivent porter atteinte à aucune des différentes religions présentes sur le territoire libanais. Depuis un an, le ministère de la Culture a fusionné avec celui de l’Agriculture. Funeste ironie, pour ces deux secteurs qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre.

Les 2000 dollars de fonds proposés par l’Afac semblent insuffisants face à toute une industrie qui se noie. Le réalisateur explique : “ Made in Lebanon ne va pas ramener plus d’investisseurs culturels, ou faire qu’on produira plus de films. Mais cela peut rapporter des droits d’auteur aux réalisateurs et faire découvrir aux spectateurs de Netflix quelque chose d’assez différent. ” Pour Wissam, les films sélectionnés par Netflix vont surtout intéresser les expatriés libanais, toujours plus nombreux. “ Ils vont pouvoir regarder ces films, avec une larme de nostalgie à l’œil ”, ironise t-il.

Une sélection de films engagés

Depuis la guerre civile, bon nombre de Libanais ont fui le pays, à la recherche d’un quotidien meilleur. “ La guerre au Liban, c’est la guerre des autres ” témoigne Jean, ancien soldat devenu restaurateur libanais, expatrié en France depuis les années 80. De ses camarades au collège, seulement trois d’entre eux sont restés au pays. “ Dans la guerre, chaque Libanais a joué un rôle qu’il veut dissimuler ou oublier ”, écrit la vidéaste et artiste libanaise Tania El Khoury. Les violents conflits sont encore ancrés dans l’esprit collectif.


Alors qu’une bonne partie de la population libanaise préfère fermer les yeux sur le passé en regardant talks-shows et feuilletons à l’américaine, Netflix a préféré sélectionner des films libanais d’auteurs et engagés politiquement. C’est le cas notamment des quatre films sélectionnés de Maroun Baghdadi : Beyrouth ô Beyrouth, Les petites guerres, Hors La vie, et Whispers. Tous sont de précieux témoignages, qui appellent le public à ne pas oublier ce qui s’est passé pendant la guerre civile et à continuer de se battre malgré la crise.


Pour Wissam Charaf, le besoin de raconter la guerre, est presque vital :“ Quand on a mal, on se soigne. On ne se dit pas : je vais faire un film sur la guerre. On fait un film, et on se rend compte que ça parle de la guerre. Cela arrive pour la plupart des cinéastes de ma génération. Ceux qui ont vécu la guerre civile ”.

“ L’espoir a disparu ”

Wissam voit l’avenir du pays d’un oeil funeste : “ L’espoir a disparu après l’explosion. ” En août dernier, une double explosion de réserves de nitrates d’ammonium stockée sans mesures de précaution, dans le port de Beyrouth, avait fait des centaines de morts et plusieurs milliers de blessés.

Le gouvernement libanais est accusé de corruption et d’incompétences par les citoyens du pays. Le réalisateur poursuit : “ On s’est vraiment rendu compte que la classe politique était prête à nous tuer jusqu’au dernier pour garder ses privilèges. Ceux qui le peuvent quittent le pays en masse. Pour le moment, j’y reste, mais je ne sais pas encore pour combien de temps. ” Ce triste exil semble avoir un air de déjà vu. Les espoirs et les rêves des Libanais s’évaporent à petit feu.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.