Une abeille

Une abeille sur une planche de bois.

Selon une étude, la biodiversité des abeilles dans les villes est en danger

Une étude, parue en septembre 2019, révèle l’impact négatif de la surabondance de ruches dans les villes sur la biodiversité des abeilles. Un constat qui n’a pas manqué de faire réagir les collectivités et les apiculteurs professionnels.

« Se posant par cent et par mille, sur les fleurs qui s’ouvrent à peine, elles butinent leur pistil pour en extraire le pollen » chantait Bourvil, dans les années 50. Aux tonalités joyeuses, cette ode à l’insecte noir et jaune se retrouve aujourd’hui en décalage avec la réalité. Selon une étude publiée en septembre 2019, les milieux urbains font face à une surpopulation d’abeilles mettant en danger leur propre biodiversité. Ce constat alarmant, mené par l’institut d’écologie des sciences environnements de Paris, démontre une surabondance des ruches. Dans la capitale, ce n’est pas moins de 2 500 ruches pour 100 kilomètres carrés, « c’est de la folie » commente Isabelle Dajoz, biologiste et écologue à la tête de cette étude. « On voit des abeilles qui butinent dans les poubelles, elles n’ont plus rien à manger… ».

L’arrivée de cet insecte en ville date depuis plusieurs années, avec l’installation massive de ruches par des apiculteurs, des associations ou des entreprises spécialisées. L’objectif ? Répondre à un « effet de mode » selon Isabelle Dajoz, « où le grand public tend à croire qu’il aide la biodiversité. » En réalité, cette initiative n’est positive que pour une seule espèce d’abeille, l’Apis Mellifera, ou tout simplement l’abeille domestique. C’est la plus connue et appréciée des français puisque c’est elle qui fabrique le miel. Or, il existe plus de 1 000 espèces d’abeilles sauvages en France, elles-aussi pollinisatrices. Pendant trois ans, sur diverses localités dans Paris, les chercheurs ont observé la densité de ruches d’abeilles domestiques tout en notant les fréquences de visites d’espaces de végétation bien fleuries. Ils ont ensuite comparés leurs données à la présence des abeilles sauvages. Les résultats sont sans équivoque : plus il y a de ruches domestiques dans un périmètre, moins les abeilles sauvages sont présentes. En d’autres termes, l’abeille domestique occupe l’espace et empêche les pollinisateurs sauvages d’exister.

« Les abeilles, il y en a, il y en aura toujours » : les apiculteurs face à l’étude

Une étude que réfute catégoriquement Alexandre Toti, apiculteur passionné et propriétaire d’une centaines de ruches à Chaponnay, dans l’agglomération lyonnaise. « Les abeilles domestiques ne mettent pas du tout en danger les abeilles sauvages. Des abeilles, il y en a et il y en aura toujours. » Intervenant à Naturapi, une boutique spécialisée de Saint-Priest, pour former des apiculteurs amateurs, il fait partie du dispositif « 4 000 arbres » mis en place par la municipalité de Saint-Priest en 2017. Ce plan de développement durable est axé autour de 7 actions centrales : notamment, l’installation de ruches urbaines en lien avec les entreprises. Une initiative où les apiculteurs sont pris en compte, saluée par Alexandre Toti : « c’est la seule ville, par ici, à faire ça ! À Lyon, c’est le bâtiment en premier. »

Dans l’ancienne capitale des Gaules, la municipalité a décidé dès 2015 d’interdire l’installation des ruches sur son espace public. « Lyon est une ville pro-active sur ce sujet » souligne Isabelle Dajoz : c’est là qu’a eu lieu fin septembre les Assises Nationales des insectes pollinisateurs. Un évènement auquel était présente Isabelle Dajoz et Alexandre Toti.

Hotels à insectes et sensibilisation : les solutions des collectivités

Après la sortie de l’étude, de nombreuses solutions ont vu le jour. Paris a décidé d’interdire l’installation de nouvelles ruches intra-muros, et souhaite collaborer avec les chercheurs pour organiser des stands de sensibilisation, dans les jardins de la ville, concernant les autres espèces pollinisatrices. Partout en France, des hôtels à insectes sont mis en place. Ces dispositifs tendent à faciliter notamment la survie hivernale. Mais c’est une fausse bonne solution pour Alexandre Toti. Les abeilles sauvages sont solitaires et ne sont pas habituées à fréquenter d’autres espèces. Dans ces hôtels, les insectes s’échangent des maladies auxquels ils n’étaient pas confrontés auparavant : « on a donc des espèces qui sont en train de disparaître à cause de ça » soupire Alexandre Toti.

Pour Isabelle Dajoz, amatrice de miel, cette étude sert de signal d’alarme : « Si on met trop de ruches partout, on scie la branche sur laquelle on est assis ! ». Si les collectivités semblent avoir saisi au vol ce constat, cela n’est pas totalement le cas des entreprises privées, qui pour elle, continuent « de se faire du fric en installant des ruches partout. »

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.