Blitzchung a répondu à l'interview avec un masque à gaz, en protestation à la répression à HongKong

Mea Culpa de Blizzard après une sanction controversée

Un an de suspension avec retrait immédiat des gains. C’est la sanction inédite qu’a reçu « BlitzChung » pour avoir tenu des propos pro-hongkongais lors des GrandMasters d’Asie Pacifique. L’annonce de cette sanction a provoqué un scandale international, obligeant l’éditeur de jeu Blizzard à revoir sa position.

Le 7 octobre 2019 a eu lieu un tournoi majeur sur Hearthstone (un jeu de cartes en ligne développé par Blizzard-Activision) auquel Chung Ng Wai, connu sous le pseudonyme de « BlitzChung », participait. Après sa victoire, le jeune Hongkongais est arrivé en interview vêtu d’un masque et de lunettes, une tenue faisant référence aux masques de protection que porte les manifestants de son pays. Il a alors déclaré en direct : « Libérez Hong Kong, la révolution de notre temps ».
La réaction de l’éditeur de jeu vidéo ne s’est pas faite attendre. Le lendemain même, la société annonçait sa suspension d’un an du circuit professionnel ainsi qu’une pure et simple annulation de ses gains (10 000$). L’entreprise Californienne s’est appuyée, comme elle l’a expliqué, sur le règlement des GrandMasters qui interdit de « discréditer publiquement, d’offenser une partie ou un groupe du public, ou de nuire de quelque façon à l’image de Blizzard » .

#BoycottBlizzard 

La sanction a provoqué un soulèvement immédiat et inédit dans la communauté Hearthstone et plus globalement dans le monde du jeu vidéo. Très rapidement, les joueurs se sont indignés publiquement de cette décision. Sur Twitter Mark Kern, co-créateur de World of Warcraft un autre jeu phare de Blizzard, a lancé le #BoycottBlizzard, un mouvement appelant à délaisser les jeux proposés par la firme. Son tweet est accompagné d’une capture d’écran de désabonnement à son propre jeu. Son acte a été suivi par de très nombreux joueurs qui ont voulu résilier leur abonnement. Le hashtag a pris de l’ampleur sur les réseaux et les internautes ont détourné les visuels des jeux de l’entreprise pour les transformer en symbole pro Hong Kong. Ainsi, Mei, un personnage d’Overwatch d’origine Chinoise, a été beaucoup représentée avec un masque à gaz et des slogans tels que « Free HongKong ». Enfin, les joueurs ont demandé massivement le retrait de leurs données de chez Blizzard, comme l’autorise les lois RGPD. Leur but : provoquer une saturation via un trop grand nombre de demandes et les mettre en faute légale.

Les partenaires se mêlent à l’affaire :

À deux jours de la Blizzcon (le grand meeting annuel où Blizzard annonce les nouveautés à venir sur ses jeux), nouveau rebondissement. Mitsubishi, grand partenaire, a annoncé se retirer de la liste des sponsors officiels. L’entreprise n’a pas souhaité s’expliquer publiquement sur le sujet. Un retrait qui pourrait donner des idées à d’autres sponsors qui souhaiteraient se désolidariser de cette forme de censure, ou bien gagner un capital sympathie sur cette polémique.
Mais ce n’est pas tout. Le sénat américain vient de publier une lettre dans laquelle il somme Blizzard de « reconsidérer plus respectueusement (sa) décision envers Monsieur Chang » et dénonçant « l’appétit du gouvernement chinois de faire pression sur les entreprises américaines pour entraver la liberté des discours ». Une lettre d’autant plus étonnante qu’elle est signée de sénateurs démocrates et républicains.

« Je vous présente toutes mes excuses » 

Au vu de l’ampleur internationale que prenait le scandale, Blizzard n’a pas eu d’autres choix que de revenir sur sa décision. Dans un premier communiqué, l’entreprise a diminué la sanction de 12 à 6 mois avec une annulation du retrait des gains. Lors de la Blizzcon, le président J. Allen Brack a profité de la couverture médiatique de l’évènement pour s’excuser publiquement, que ce soit pour leur action en elle-même ou leur manque de communication et réactivité par la suite. « Nous avons failli à notre objectif [de rassembler le monde entier autour d’une passion], je vous présente toutes mes excuses et j’assume toute responsabilité » avant de rajouter qu’ils s’engagent pour « le droit d’expression de tous, sous toutes ses formes et dans toutes sortes de lieux ». La communauté semble avoir finalement accepté les excuses, mais le message est désormais clair : la censure et la dictature, les joueurs n’en veulent pas ! Même si l’éditeur s’est défendu tout le long de l’affaire d’être bâillonné par l’état chinois, certains chiffres ne trompent pas. Comme le précise Pixels, Blizzard est détenu à 5% par Tencent, un géant Chinois des télécommunications qui possède également Riot Games (League of Legends). De plus, 31% des revenus mobiles liés à Hearthstone sont réalisés en Chine, soit 51 millions de dollars en 2018 (31,3 millions réalisés aux Etats-Unis à titre de comparaison). Ce poids économique a sans aucun doute joué dans la prise de décision et la firme californienne devra faire attention à l’avenir, car à trop vouloir satisfaire des intérêts économiques, elle pourrait tout simplement perdre ses propres joueurs.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.