Slogan écoféministe

Manifestation contre les violences sexuelles et sexistes, Lyon, 23 Novembre 2019

Ecoféminisme : « La destruction de la nature et l’oppression des femmes ont la même origine »

«Bouffe ma chatte, pas la planète», «Protégez les zones humides», «Nique pas ta mer»… La Marche pour le Climat de Paris a vu fleurir les slogans provocateurs mêlant crise écologique et libération sexuelle des femmes.Lutte féministe et lutte climatique, deux combats similaires ? 

Une lutte aux deux objectifs : la défense de l’environnement et l’émancipation des femmes – et donc l’égalité des genres. Le terme écoféminisme est employé pour la première fois par l’autrice française Françoise d’Eaubonne en 1974 et défini par Mary Mellor, académicienne britannique, comme « un mouvement qui voit un lien entre l’exploitation et la dégradation du monde naturel et la subordination et l’oppression des femmes.” (“a movement that sees a connection between the exploitation and degradation of the natural world and the subordination and oppression of women.”) D’après la philosophe Jeanne Burgart-Goutal, la domination des femmes et celle de la nature sont liées pour les écoféministes, puisqu’il s’agit de la même exploitation : dévaluation constante, travail gratuit… Le combat écologique et le combat féministe partageraient surtout des ennemis communs : le patriarcat et le capitalisme.

Il existe deux formes principales d’écoféminisme : la matérialiste et la culturelle (ou spirituelle). La première insiste sur l’exploitation des femmes et de la planète comme résultat du capitalisme patriarcal. La seconde définition met l’accent sur un lien particulier entre les femmes et la nature. Ce lien serait le résultat d’une idée millénaire basée sur l’approche fertile de la Terre et de la femme, aux divinités féminines et à un instinct de la femme la poussant à préserver la Terre avec laquelle elle est liée.

Les femmes, premières concernées par la crise écologique

Au cœur des convictions, deux principes : le « care » et le « reclaim ». Ce dernier, défini par la philosophe Emilie Hache, signifie qu’il faut que les femmes revendiquent leurs différences et leur capacité spécifique à prendre soin des autres et par conséquent de la terre. Quant au principe du « care » (en anglais : prendre soin), il insiste sur le fait que défendre les femmes et de l’environnement sont liés, puisque ce sont les premières victimes de la crise climatique.

En effet, d’après un rapport des Nations Unies, 80% des personnes déplacées à cause du changement climatique sont des femmes. De plus, dans de nombreuses régions rurales du monde, les femmes ont la charge du foyer : elles sont responsables de trouver l’eau et le bois nécessaires : la déforestation et la sécheresse les obligent à parcourir des distances de plus en plus longues.

Dans les pays développés, la charge mentale du foyer revient encore aux femmes dans la majorité des cas, et ce sont sur elles que repose la responsabilité de mieux consommer au quotidien : achats zéro déchet, courses en vrac, produits d’entretien faits maison…

Une convergence des luttes à l’international

La lutte écoféministe tire ses racines dans différents mouvements à travers le monde. Dans les années 1980, la contestation anti-nucléaire bat son plein aux Etats-Unis. Après une première conférence « Women and life on Earth » en 1979, des milliers de femmes se rassemblent le 17 novembre 1980 à Arlington en Virginie : c’est la Women’s Pentagon Action. Et la première manifestation qualifiée « écoféministe ».

Une des figures emblématiques du mouvement est l’Indienne Vandana Shiva. Militante pour Chipko, un mouvement pour la sauvegarde de la forêt en Inde, elle publie en 1998 avec Maria Mies, féministe allemande, un ouvrage intitulé Ecoféminisme. Mais partout dans le monde, le mouvement prend de l’ampleur, comme le prouve le collectif Dublin Ecofeminist Coven en Irlande ou les slogans repérés pendant la Marche pour le Climat à Paris. 

« Un seul mouvement ne peut pas changer le monde »

L’écoféminisme est-il toujours pertinent aujourd’hui ? Certains y voient un mouvement anti-féministe, réduisant les femmes à leur état de nature, en leur attribuant des qualités innées, ou faisant reposer l’avenir de la planète sur leurs épaules déjà bien chargées. La philosophe féministe Élisabeth Badinter parle de l’idéologie écoféministe comme d’une prétendue « sanctification de la mère et l’écologie radicale, un danger pour les droits des femmes ».

A la question « est-ce que l’écoféminisme peut changer le monde ? », Jeanne Burgart-Goutal répondait à la revue We Demain : « Mon scepticisme naturel me pousse à penser qu’un seul mouvement ne peut pas changer le monde ! Mais incontestablement, l’écoféminisme peut contribuer à créer un imaginaire radicalement différent de ce qui nous est proposé. »

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.