L’anti-gaspi entre écologie et économie

Too Good To Go, l’application sans « gaspi » a permis de sauver 10 millions de repas en France depuis sa création en 2016. Chaque mois, de nombreux commerçants rejoignent l’interface pour lutter contre le gaspillage. Mais est-ce que l’économie ne finit pas par primer sur l’écologie ?  

Nous avons suivi Anthony, un étudiant qui utilise l’application pour la première fois. 18h30, direction un commerce de proximité pour récupérer son panier prit la veille sur l’application… Arrivé sur les lieux le caissier l’envoie retrouver son collègue près de la réserve qui lui tend un sac et valide son panier. Il se hâte alors dehors pour découvrir ses surprises… C’est avec une certaine déception qu’il se retrouve avec des sandwichs triangles, du hareng fumé périmé de 1 mois, du jambon et des yaourts… Une fois rentrés, c’est le moment de faire une petite enquête. Il a payé le panier 3,99 €, et celui-ci lui promettait une valeur de 12 €. Après quelques calculs on se rend vite compte que ce qu’il a obtenu vaut à peine 7 €, avec des produits qui ne l’enchantent pas tellement et qui finiront probablement à la poubelle… Première expérience décevante pour cet étudiant qui trouve le concept intéressant n’ayant pas un budget course très élevé. Les commerçants ne sont pourtant pas obligés de participer à cette pratique, ils peuvent être démarchés (c’est le cas pour ce commerce) ou bien être volontaire, mais alors leur objectif est-il économique ou écologique ?

11 000 commerces luttent ensemble

En 2019, c’est plus de 11 000 commerces inscrits sur l’application à travers la France. Considérés comme des « héros anti-gaspi », ils s’engagent contre le gaspillage alimentaire. 
Il faut savoir que « environ la moitié des commerçants qui nous rejoignent tous les mois, ce sont eux qui nous contactent. » explique Stéphanie Moy, la responsable des relations de presse au sein de l’application. C’est le cas de Chez Manon, un salon de thé à Lyon 5 qui a sauvé déjà plus de 100 paniers depuis son engagement il y a plus d’un an. Le but de Manon ? « Réduire les déchets alimentaires. L’application permet de ne plus jeter de produits certes à DLC courte mais toujours consommables ». Pour composer leur panier ils mettent les produits qu’ils ne peuvent plus vendre à cause des dates de péremption. Sans cette application de nombreux aliments seraient jetés donc gaspillés et les commerçants perdraient une partie de leur chiffre d’affaires. Wild Travel, un coffee shop à Lyon 7 qui a rejoint le projet il y a plus d’un an à bien compris cela et utilise donc l’application pour « lutter contre le gaspillage mais aussi pour récupérer de l’argent des invendus ».

« On ne veut pas vendre des produits qui ne sont pas frais » 

D’autres commerçants ne souhaitent pas prendre part à ces collectes déjà parce qu’ils n’en sentent pas le besoin. « On ne l’utilise pas, on n’a quasiment pas de sortie en aliment, on arrive à gérer ça en interne et tout ce qui va sortir c’est des choses qui ne sont déjà pas consommables et donc pour ça on a un compost » confie un vendeur de 3 Ptits Pois un commerce de proximité à Lyon 7. Certains sont moins enthousiastes concernant cette application qui leur ferait « mauvaise presse » comme l’explique le patron de la boulangerie de Saint-Marc dans le deuxième arrondissement de Lyon, « on ne veut pas vendre des produits de la veille, on gère nos stocks et s’il reste des choses on peut les transformer ou sinon on les reverse à des associations d’étudiants ». 

« Une démarche sincère et pas commerciale » 

Pour s’inscrire sur l’application c’est très simple, s’il n’est pas directement contacté, le commerçant doit remplir une fiche sur internet et sera ensuite démarché par l’application. 
C’est très rare que Too Good To Go refuse des clients et inversement que des commerçants refusent de rejoindre cette “grande famille”. Néanmoins, quelques critères sont vérifiés « il faut que le commerçant soit dans une démarche sincère, et pas commerciale c’est-à-dire qu’on voit qu’il y a un intérêt marketing à être sur l’application mais si la personne n’a pas d’invendus ou ne fait pas ça pour les bonnes raisons » rappelle la responsable des relations de presse Stéphanie Moy. Pourtant, même si l’aspect écologique est sans cesse expliqué, Amélie de Wild Travel confie que le fait de récupérer de l’argent de leurs invendus est un point important dans leur démarche. 

Une application qui rapporte aussi bien aux commerçants qu’aux créateurs

Pour s’inscrire sur l’application, il n’y a pas de droit d’entrée… Enfin c’est ce que nous a dit Stéphanie Moy et pourtant au coffee shop Wild Travel le discours est différent puisque Amélie nous parle d’« un droit d’entrée de 40 € ». En ce qui concerne Chez Manon, elle nous à renvoyer vers l’application pour toutes les questions d’ordre financier…. En plus de ces « droit d’entrée » – s’ils existent – l’application prend une commission de 1,09 € par panier de moins de 4 € et 25% pour un panier plus cher. Pour l’heure, le chiffre d’affaires de Too Good To Go s’élève à 9 millions d’euros en France pour un total de 20 millions dans le monde. 

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.