Crise politique en Catalogne : menaces démocratiques et économiques sur les médias locaux

Initiée le 1er octobre 2017 avec l’organisation du référendum illégal pour l’indépendance de la Catalogne, la crise politique catalane n’a cessé de faire couler de l’encre en une des journaux internationaux. Les résultats du vote, la fuite de l’ex-président de la Communauté autonome, Carlos Puidgemont, ont fait l’objet de chroniques répétées dans les colonnes de nombreux médias. Mais, le « procés », comme il est appelé en Espagne, a aussi été synonyme d’une grave crise de la presse locale, qui pourrait encore s’aggraver.

Dans son dernier rapport annuel sur le journalisme en Espagne, Reporters sans Frontières qualifie les mois d’octobre, novembre et décembre comme « parmi les plus sombres de l’histoire démocratique à laquelle puisse se référer l’histoire de la liberté de la presse en Catalogne. » Pour l’organisation, de « graves attaques à la liberté d’information » ont été commises. Le rapport s’inquiète, notamment, des « agressions de journalistes et photojournalistes lors de la couverture du référendum sur l’indépendance illégale du 1er octobre. »

Mais, au-delà des incidents physiques ou encore de la dégradation du matériel des journalistes, Reporters Sans Frontières souligne que « les cas d’insultes et de harcèlement à l’encontre des journalistes et des médias espagnols et catalans, de ligne indépendantiste ou constitutionnaliste, se sont multipliés au cours des mois de septembre et octobre […] créant une atmosphère irrespirable pour la liberté d’information en Catalogne. »

Ce contexte difficile pour les journalistes espagnols exerçant en Catalogne avait déjà fait l’objet d’un rapport en septembre 2017, avant la crise politique qui allait suivre. Reporters Sans Frontières s’était, en effet, déjà inquiété du harcèlement subi par les journalistes sur les réseaux sociaux lorsqu’ils ne suivaient pas la ligne indépendantiste soutenue par le gouvernement catalan.

Plans de licenciement dans plusieurs journaux catalans

Si, d’un point de vue démocratique, les derniers mois de 2017 ont représenté une menace pour le droit d’informer; octobre, novembre, et décembre ont été les meilleurs et les pires mois de l’année pour les médias catalans. En effet, à partir du référendum, les médias locaux ont vu augmenter leurs ventes de façon significative. Mais, l’embellie n’aura duré que peu de temps. Dès la mise sous tutelle de la Catalogne par le gouvernement central, grâce à l’application de la loi 155 de la Constitution espagnole, les médias ont perdu l’une de leurs principales sources de revenus.

Avec la fin du régime de communauté autonome, les subventions et les publicités institutionnelles de la Generalitat ont disparu. Un manque à gagner très important pour les médias catalans qui étaient déjà en péril avant la crise politique.

Les difficultés financières des quotidiens de Catalogne peuvent aussi s’expliquer par le départ précipité des publicitaires privés. Ces derniers, peu désireux de trouver leurs produits liés aux revendications indépendantistes, ont massivement quitté les pages des journaux, laissant un important vide financier pour les différents titres catalans.

Pour tenter de sauver leurs publications, plusieurs des plus grands quotidiens catalans ont annoncé des plans de licenciement. C’est notamment le cas d’El Punt qui devrait supprimer 91 postes. Pour ce journal, si la perte des revenus publicitaires explique en partie cette, les impayés du gouvernement catalan pour les publicités institutionnelles ont également généré un important déficit. Aux défauts de paiement, il faut ajouter la baisse des ventes qui n’ont représenté que 38 % de la production totale du quotidien en 2017, selon l’OJD organisme chargé du contrôle des publications espagnoles.

Autre titre emblématique de la Catalogne, El Periódico, a lui aussi annoncé des licenciements. 177 postes seront ainsi supprimés, répartis dans différents services du journal : administration, publicité, logistique. Le quotidien a lui aussi vu sa diffusion réduite en 2017, de 10 % selon les chiffres de l’OJD.

Enfin, La Vanguardia, autre journal catalan important, n’a pas annoncé de plan de licenciement mais une baisse de 12 %, en moyenne, des salaires, justifiée par des ventes en baisse de 16,5% en 2017.  En moyenne, l’année dernière en Catalogne, les ventes des journaux locaux et les éditions régionales de titres nationaux (El Mundo, El País, ABC, La Razón) ont chuté de 8,2%.

Ces derniers mois ont été difficiles pour la presse catalane, déjà fragilisée par la crise de la presse nationale. Le « procès » a été synonyme à la fois d’une crise démocratique pour la liberté de la presse et d’une crise économique des titres de presse locaux qui, après une courte embellie, doivent se résoudre à des plans de licenciement. Une situation complexe qui pourrait pourtant durer.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.