« Rien ne peut atteindre la radio » : interview d’Éric Gendry (journaliste radio)

Éric Gendry est journaliste pour la radio et la télévision depuis 37 ans. Aujourd’hui en free-lance, il réalise des programmes pour le groupe Canal+, et pige pour le groupe M6. Après ses débuts sur RTL en 1979, il a travaillé pour Europe 1, RMC, ou encore récemment French Radio London. Il nous livre aujourd’hui sa vision de la radio : selon lui, elle ferait mieux que simplement résister à internet.

Quelles sont les évolutions majeures de la radio depuis vos débuts ?

Pour moi, la radio n’a pas changé. Du moins, c’est le média qui a le moins changé. C’est un média qui est toujours aussi prescripteur. Il n’y a qu’à voir à quel point les chaînes d’information s’inspirent de ce qui est fait en radio. Les matinales sont exactement les mêmes que quand je lors de mes débuts chez RTL. S’il y a eu un changement à la radio, je dirais que c’est la trop grande place accordée à l’auditeur. Cela aboutit à des choses sur RMC par exemple, qui sont souvent un peu légères et contestables.

Et l’arrivée d’internet dans tout ça ?

Ça n’a rien changé non plus. Il y aura toujours, et la vague de sondages de Médiamétrie le confirme pour les radios à contenu éditorial, de gros mastodontes qui s’appellent RTL, France Inter, France Info, à un degré moindre Europe 1. Rien ne peut atteindre la radio. Lorsqu’il y a eu les premières émissions « Télé Matin », si ma mémoire est bonne en 1984, on a dit « cela va faire un mal terrible aux matinales des radios »… et cela n’a fait aucun mal aux matinales des radios. Je crois la radio increvable, et que ce sera toujours une source d’information essentielle le matin.  Entre 1982 et 1987, on faisait 2,8 millions d’auditeurs sur une matinale de RTL, quand je la présentais. Aujourd’hui on est peut-être à 2 millions, donc il y a des pertes, mais pas d’érosion lente.

Mais internet est-il un concurrent pour la radio ?

Non, je ne pense pas que ce soit un concurrent. La particularité d’internet, c’est qu’il y a tout et n’importe quoi dessus. Internet a donné un coup de pied au cul de tout le monde, y compris nous, on a été obligés de vérifier nos informations encore plus. Mais dans l’esprit des auditeurs, je ne pense pas qu’il y ait une commune mesure entre une matinale d’une grande radio et les infos qu’ils peuvent trouver sur internet. Après, moi je vais avoir 60 ans, il faudrait demander aux jeunes…

Le modèle de la webradio peut-il marcher ?

À titre personnel, je dirais que je n’y crois pas, mais peut-être que je me trompe. En fait, je crois qu’une webradio peut marcher si elle est très thématique. Mais une webradio généraliste, ça ne peut pas marcher. Pour parler de French Radio London par exemple, nous étions en numérique jusqu’à juin 2015. Ils ont rendu leur fréquence de numérique et sont devenus une webradio. Pour moi, c’était le début de la fin, car il n’y avait plus ce juge de paix inquisiteur permanent, qui est l’auditeur qui écoute son transistor.

En radio, j’ai l’impression qu’on peut faire beaucoup de choses avec très peu de moyens. Vous partagez cet avis ?

C’est précisément l’une des raisons pour laquelle la radio est mon média préféré. Elle est légère et spontanée, par opposition à la télévision où l’on est tenu par des contraintes, comme cette semaine en arrivant en Tunisie ou l’on a eu des problèmes à la douane avec le matériel audiovisuel. C’est de plus en plus le cas aujourd’hui avec les téléphones portables. N’importe qui peut faire n’importe quoi de n’importe où.

Quel est l’avenir de ce média ?

On parle beaucoup de la Radio numérique terrestre en ce moment. Tout le monde se fait la guerre là-dessus, mais je crois fondamentalement que tout le monde s’en fout du numérique. Nous avons une bande FM qui, en terme de qualité, est très bonne.  Mais il y a une sorte de traditionalisme en France sur la radio. En Angleterre, le numérique terrestre marche très bien. Donc je ne crois pas que la radio va changer. Quand bien même le canal de diffusion changerait, ça ne modifierait en rien le contenu. Donc je ne vois pas pourquoi la radio changerait…

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.