Quand le championnat de football fait son retour à la TV vietnamienne

Image Jordan Curé-Heaton
Image Jordan Curé-Heaton.

Le championnat de première division de football vietnamien (V-League) a repris ses droits dans le stade Hang Day de Hanoi. Nous sommes allés à la rencontre de Đồng Tiến Việt, journaliste sportif, monteur et présentateur TV, basé dans la capitale vietnamienne. 

En activité depuis huit ans, il travaille pour deux chaînes sportives vietnamiennes du groupe VTVcab (Bóng đá TV et Thể thao TV). À la fin du match qui opposait Hanoi T & T à Than Quang Ninh (0-1), il nous a expliqué ses conditions de travail étaient fort particulières en ce début de saison, et le fait que son métier de journaliste au Vietnam est encore en pleine évolution. 

En quoi votre travail est-il différent pour cette reprise du championnat par rapport à un match de la mi-saison ?

Notre travail n’est pas le même, car il y a beaucoup de monde qui s’intéresse aux transferts en cette période. Les gens se focalisent essentiellement sur les nouveaux joueurs. Durant l’intersaison, nous avons dû nous rendre partout afin de récolter les dernières informations pour nos abonnés, car ils payent pour accéder à nos services de sports. Nous travaillons énormément à ce moment-là. 

Nous sommes souvent obligés de partir dans les autres provinces, loin de Hanoi. Mon collègue a par exemple fait 1 000 kilomètres aujourd’hui pour rejoindre le stade (Hang Day). En ce moment, nous avons encore moins de temps à consacrer à notre famille. C’est triste, et quand on se lance dans le métier, il ne faut pas l’oublier, car notre travail empiète sur notre vie privée. Mais heureusement, je peux compter sur le soutien de ma famille.

Racontez-nous votre travail d’aujourd’hui.

Aujourd’hui, j’ai quitté mon domicile à cinq heures du matin pour rejoindre le studio et pour préparer le match. L’information ne s’arrête jamais. Et dernièrement pendant le Têt (le Nouvel An lunaire), je n’ai même pas eu un seul jour de congé ! Ce soir par exemple, je vais finir le travail à 23 heures, et étant donné que je reprends demain à 6 heures, je vais sûrement devoir dormir à notre studio d’enregistrement.

Comment expliquez-vous le fait qu’ici, les réseaux sociaux sont peu présents dans la vie de tous les jours, bien qu’ils sont beaucoup utilisés par les médias dans le football ?

Les réseaux sociaux ont énormément évolué en l’espace d’un an. C’est seulement depuis peu de temps que les clubs de V-League ont pris conscience de leur importance. Avant cela, les clubs ne s’y intéressaient pas. Mais la saison passée, quelques clubs ont lancé le mouvement et maintenant, ils sont nombreux à les utiliser. Ils sont obligés à vrai dire, car c’est la moindre des choses. N’oublions pas que sans ses supporters, le football n’existerait pas. J’espère que les réseaux sociaux permettront à ce sport de se rapprocher encore plus d’eux. 

Peut-on tout raconter lorsque l’on est journaliste sportif au Vietnam ? 

Oui, bien sûr ! Même les informations concernent la vie extra-sportive des joueurs, cela fait partie de notre travail de journaliste. Nous devons dire la vérité à nos téléspectateurs qui représentent entre 5 et 6 millions d’abonnés.

Pouvez-vous même critiquer la prestation de l’équipe ou les décisions de l’entraîneur ?

Oui, nous ne faisons d’ailleurs aucune différence entre une bonne et une mauvaise nouvelle. Car si nous soulignons uniquement le positif, comment les joueurs vont-ils régler leurs problèmes ? Nous pouvons parler de tout, à condition bien entendu de vérifier la source de notre information. Aujourd’hui par exemple, Hanoi T & T s’est incliné 1-0 devant son public. C’est donc une mauvaise nouvelle pour leurs supporters. Mais moi ce que je retiens surtout de ce match, c’est le premier succès de Than Quang Ninh dans cette confrontation directe entre ces deux équipes de V-League.

J’ai l’impression qu’ici au Vietnam, il est très difficile pour les journalistes d’émettre un avis critique envers la politique. Quel est votre sentiment là-dessus ? 

C’est très compliqué pour moi de m’exprimer sur ce sujet. Il est vrai que nous devons faire attention. En effet, lors des matchs internationaux, nous devons appliquer certaines consignes. À l’occasion du match de Hanoi T & T face à un club de Hong Kong (Kitchee SC, pour le tour préliminaire de la Ligue des champions d’Asie), nous avons dû préciser « Chine » après Hong Kong. Cette règle s’applique aussi pour Taipei (et non Taïwan). Mais vous savez, dans le football vous pouvez tout raconter, car c’est un jeu avant toute chose, pas de la politique.

Interview en anglais à retrouver sur Soundcloud :

https://soundcloud.com/jordanc_h/interview-vietnamese-sports-editor-when-football-is-back-in-vietnam

Propos recueillis le dimanche 28 février.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.