The independent/The New Day : chassé-croisé et stratégies opposées dans la presse britannique

Une double du premier numéro de The New Day.
Une double du premier numéro de The New Day.

 

D’un côté, The Independent. Le quotidien centriste britannique ne sera plus distribué en kiosque à partir du 26 mars, mais continuera à publier en ligne. De l’autre, The New Day. Un nouveau quotidien généraliste, diffusé depuis le 29 février… mais qui n’a pas de site internet. Paradoxal, vu l’état actuel et l’avenir qui s’annonce pour la presse papier.

La presse britannique est en difficulté. Les quotidiens britanniques ont perdu le tiers de leur diffusion en cinq ans.  Nous vous parlions récemment de la cure d’austérité que s’impose le Guardian : The Independent n’aura même pas le luxe de s’en offrir une, du moins pas pour son édition papier. Les ventes du quotidien étaient en chute libre depuis quelques années, jusqu’à ce qu’il devienne le quotidien national le moins distribué au Royaume-Uni, avec moins de 40 000 exemplaires par jour. À la fin des années 1980, la diffusion quotidienne atteignait 428 000 exemplaires.

Le propriétaire russe du journal, Alexander Lebedev, a bien essayé de céder le titre, mais n’a pas trouvé d’acquéreur. Changement de stratégie, donc : il investira dans l’édition en ligne, et a même promis de renforcer les bureaux à l’étranger. Mais le fait est qu’une centaine de journalistes devraient perdre leur emploi, malgré les 25 embauches prévues pour renforcer le site. L’oligarque russe estime que le secteur de la presse est « dans le déni », et que d’autres quotidiens vont devoir adopter la même stratégie.

Il serait donc intéressant de savoir ce qu’il pense de l’arrivée du New Day, lancé ce 29 février sur papier uniquement. Édité par Trinity Mirror, il se veut « optimiste » et « politiquement neutre », c’est-à-dire indépendant de son grand frère le tabloïd de gauche The Daily Mirror. Le quotidien de 40 pages est payant et diffusé du lundi au vendredi dans plus de 40 000 points de vente, mais n’a pas de site internet.

« Il y a beaucoup de gens qui n’achètent pas de journaux actuellement, pas parce qu’ils n’aiment plus les journaux, mais parce que ce qui est actuellement disponible en kiosque ne correspond pas à leurs attentes », estime Alison Philips, la rédactrice en chef du nouveau quotidien. Le Monde reprend aussi les déclarations de Simon Fox, directeur général de Trinity Mirror : « plus d’un million de personnes ont cessé d’acheter un journal ces deux dernières années, mais nous pensons qu’un grand nombre d’entre eux pourraient être séduits par le produit adéquat. »

Les discours s’opposent donc entre les deux patrons de presse, l’un estimant comme beaucoup que la presse papier est morte, l’autre considérant que c’est le contenu qui importe, pas le format. La rédaction du New Day a donc décidé de ne pas emprunter la route du tout numérique, malgré une présence sur les réseaux sociaux. Mais comment justifier ce choix, étant donné l’état de la presse écrite ? Et bien d’après Simon Fox, « les journaux imprimés peuvent vivre à l’ère numérique s’ils ont été conçus pour offrir quelque chose de différent. »

Ce quelque chose de différent, la rédactrice en chef veut l’offrir en évitant de « dire quoi penser » à ses lecteurs, en évitant aussi l’actualité « sensationnaliste ou terrifiante ». Des mots qui pourraient décrire… The Independent.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.