La Dépêche du Midi : quand journalisme et politique ne font pas bon ménage

Jean-Michel Baylet, nouveau ministre de l'Aménagement du territoire et PDG de La Dépêche du Midi. ©Wikipedia

Jean-Michel Baylet, nouveau ministre de l’Aménagement du territoire. Image CC Jackolan1.

 

Fausses informations, absence à certaines conférences de presse, sélection d’informations… Jean-Luc Moudenc, le maire de Toulouse, n’a pas mâché ses mots pour dénoncer les agissements de La Dépêche du Midi, fleuron du groupe La Dépêche dirigé par Jean-Michel Baylet. Et ce n’est pas la première fois que le manque déontologie du quotidien régional est pointé du doigt. En cause : une omniprésence de la famille Baylet dans le monde politique et médiatique en Midi-Pyrénées.

L’actuel maire de Toulouse — Jean-Luc Moudenc, du parti Les Républicains — affirmait le 16 février dans l’émission « Le Petit Journal » de Canal + que Jean-Michel Baylet avait interdit à ses journalistes de citer son nom dans les pages du quotidien régional. Une accusation qu’a confirmée un syndicaliste de La Dépêche, qui explique qu’« en tant que journaliste dans ce journal, on est habitué à ce genre de traitement ». Et d’ajouter que « Jean-Michel Baylet intervient auprès de certains responsables de la rédaction qui donnent des ordres ou des consignes aux journalistes ».

Une forte implantation politique

La raison de ces agissements est simple : le groupe La Dépêche est une grande affaire de famille, hautement implantée dans la politique de la région. Entendez donc : Jean-Luc Moudenc est de droite, Jean-Michel Baylet de gauche… mais surtout, le maire de la ville rose achète moins d’espaces publicitaires au journal que son prédécesseur socialiste. Le quotidien régional a été dirigé pendant plus d’un demi-siècle par Évelyne-Jean Baylet, mère de l’actuel dirigeant. Ses deux fils, Jean-Nicolas et Jean-Benoît Baylet sont respectivement directeur général et directeur délégué du groupe de presse. Jean-Michel Baylet vient, quant à lui, de passer la direction du groupe à son ex-femme Marie-France Marchand-Baylet, actuelle femme de Laurent Fabius.

Jean-Michel Baylet était également président des Radicaux de gauche, un positionnement politique qu’il a toujours tenu à afficher dans son journal. D’ailleurs, après la récente élection du PDG de La Dépêche au gouvernement en tant que ministre de l’Aménagement du territoire, le quotidien régional n’a pas hésité à flatter le remaniement effectué par François Hollande, alors que tous les autres journaux français désapprouvaient ce changement de gouvernement.

Le Parisien surnommait François Hollande de « Monsieur Bricolage » sur sa Une du 12 février par exemple. La Dépêche du Midi, quant à elle, titrait « Président jusqu’au bout », avec une photo de quatre ministres — dont Jean-Michel Baylet — de retour au gouvernement. Plus encore, l’édition du 12 février de La Dépêche n’était ni plus ni moins qu’un éloge fait au président de la République. « François Hollande réussit la meilleure synthèse à gauche possible », a écrit son rédacteur en chef Jean-Claude Souléry.

Des écarts déontologiques

Le quotidien La Dépêche du Midi n’en est pas à son premier dérapage. Lors des dernières élections régionales, Dominique Reynié, candidat du parti Les Républicains, avait accusé le groupe sur un blog de France 3 de « ne pas respecter le pluralisme », allant jusqu’à mettre le journal sous surveillance. Le candidat avait créé un baromètre établissant que La Dépêche du Midi avait consacré 74 articles à la candidate socialiste Carole Delga, contre seulement 19 pour lui.

Bref, à bien des égards, La Dépêche du Midi est un plaidoyer des idées politiques de sa présidence, ce qui remet en cause l’essence même du travail journalistique mené par ses employés, censé reposer sur des règles déontologiques. Une question reste donc en suspend : comment exercer pleinement son métier de journaliste quand la direction impose des règles, qui vont à contre-sens du cœur même de la profession ?

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.