Homophobie au Sénégal : les médias attisent-ils vraiment la flamme ?

 

Image Serigne Diagne.
Image Serigne Diagne.

L’affaire du sac à main du rappeur Waly Seck qui éclate le 12 janvier dernier, une manifestation anti-homosexualité le 22 janvier, les médias dakarois ont eu plus d’actualité qu’il ne leur en fallait ces derniers temps pour aborder le sujet sensible de l’homosexualité.

S’appuyant sur une information de décembre dernier — l’affaire des mariages homosexuels clandestins dans la ville de Kaolack — Slate Afrique publiait un article de Camille Belsoeur sur la presse sénégalaise qui contribuerait à l’homophobie dans le pays. Il est vrai qu’à première vue, en naviguant sur les différents médias sénégalais en ligne, les articles sont souvent très à charge contre la communauté homosexuelle du pays. Dans un français parfois approximatif, certains journalistes abordent l’homosexualité de manière biaisée, élevant des argumentaires religieux et usant de qualificatifs qui seraient proprement scandaleux dans les pays occidentaux.

Mais parallèlement des tendances pas strictement opposées, mais plus nuancées, se distinguent. Des médias comme Le Soleil (quotidien de service public) ou Seneweb (pure-player) ont tendance à rester neutres, ne faisant que relayer les faits et citant les acteurs. Sans apporter de commentaires pro ou anti-homos. Cependant est-ce une posture plus légitime ? Pas tant au niveau du recueil et de la mise en forme de l’information, traitant d’un simple fait (une manifestation prônant l’homophobie, etc.) mais plus au niveau de la modération. Sur Seneweb, aucune modération des commentaires n’est réalisée. Cela entraîne les déviances bien connues. Insultes, incitations à la violence, etc. On pourrait donc penser que ces médias attisent indirectement les hostilités envers les gays.

Les médias sont-ils la cause de l’homophobie ambiante ?

Cependant, là où les médias occidentaux font appel à des entreprises spécialisées dans la modération sur le net, ces services ne sont pas encore très développés au Sénégal. Sans cautionner pour autant que ce genre de commentaires soient relayés, on peut se demander si, finalement, ces différents médias ne sont pas le simple reflet de la société sénégalaise.

Lors du procès des onze hommes arrêtés à Kaolack la veille de Noël 2015, pendant leur transfert vers le tribunal, « la foule voulait les lyncher. Des gens ont jeté des pierres sur les deux véhicules. La police a dispersé la foule avec des bombes lacrymogènes », a rapporté à l’AFP un journaliste sénégalais présent. Après le verdict, ils ont dû rester reclus jusqu’à 2 heures du matin dans le Palais de justice pour pouvoir sortir plus ou moins en sécurité. L’opinion publique n’a pas besoin du point de vue des médias pour être farouchement hostile aux homosexuels.

Un exemple, un peu bancal, mais sincère d’évolution du contenu donné à l’homosexualité dans les médias, pourrait être cette réflexion du sociologue Mamadou Moustapha, relayée par Seneweb. Sans attiser l’animosité envers la communauté gay, pour certains, les médias sénégalais ne feraient que répondre à une demande de leur lectorat et s’adapter pour attirer le clic. Aux dépens de toute une partie de la population…

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.