Facebook ne se laissera pas « emmerder »

Qu’on se le tienne pour dit. Le réseau social n’ouvre pas sa porte à n’importe qui. À plusieurs reprises, Sébastien Abdelhamid, le fameux « Emmerdeur » de l’émission On n’est plus des pigeons sur France 4, a tenté en vain d’obtenir des réponses sur des thématiques comme la protection des données et le respect de la vie privée des utilisateurs. Le géant du web américain reste désespérément muet sur ces points depuis 2014.

Sébastien Abdelhamid
Image Mourad1fois.

Le rôle de L’Emmerdeur, comme son nom l’indique, est d’« emmerder le monde ». En ce sens, nous pouvons tout à fait classer le travail de Sébastien Abdelhamid dans une catégorie journalistique que les Anglo-saxons appellent l’« ambush journalism ». Ce « journalisme d’embuscade » veut surprendre son interlocuteur. Le journaliste se rend alors chez une personne ou sur son lieu de travail et a recours au harcèlement pour obtenir des réponses. Et ce, même si l’interlocuteur en question ne souhaite pas s’ouvrir au journaliste. Bien que critiquée, cette méthode permettrait d’obtenir des réactions plus évocatrices, car plus spontanées.

Toutefois, Sébastien Abdelhamid ne semble pas se prendre pour Michael Moore – autre adepte de l’ambush journalism. Sa rubrique paraît effectivement bien innocente comparée aux brûlots cinématographiques du réalisateur américain. Questions conso, tests de standards d’accueil, de services. Le tout sur un ton comique, un brin naïf et sarcastique. On imagine mal le journaliste de France 4 dévoiler un scandale à l’échelle internationale. Certaines entreprises jouent même le jeu et rappellent l’Emmerdeur afin de lui prouver leur bonne foi. Scotch avait par exemple été invité dans l’émission afin de démontrer le bon fonctionnement d’une de leur bande adhésive double-face.

Moins sympathique que Scotch, Facebook manque cruellement d’humour. Certes, les thématiques de la protection des données et du respect de la vie privée sur internet constituent des questions plus épineuses que celle de la bonne adhérence d’un ruban adhésif au mur. Il n’empêche que le géant américain aurait pu faire preuve d’un peu plus d’ouverture d’esprit face aux demandes répétées des équipes de France 4. Dans un de ses reportages sur Facebook, Sébastien Abdehamid assure avoir « suivi la procédure » afin d’obtenir un rendez-vous. L’absence de réponse l’aurait conduit à faire le pied de grue dans le hall du siège parisien de l’entreprise.

Lors de sa première visite, en mars 2014, le journaliste espérait obtenir des réponses sur la commercialisation des données personnelles des utilisateurs du réseau social. L’émission se contentant souvent de discours officiels, Facebook n’aurait donc pas pris un grand risque en acceptant de recevoir Sébastien Abdelhamid. Pourtant, il se vit essuyer plusieurs refus par l’intermédiaire d’un interphone. Quelques mois plus tard, le journaliste a opté pour une thématique plus légère : passer un entretien d’embauche chez Facebook. Sans succès. Le sujet n’en restera pas moins révélateur quant aux méthodes de communication désastreuses du géant bleu.

Les choses se gâtent en novembre 2014. Facebook vient de sortir son application Messenger. Celle-ci souffre de graves manquements au respect de la vie privée. Sébastien Abdelhamid se précipite au siège parisien du réseau social. Il souhaite connaître la position de l’entreprise quant aux reproches formulés à l’égard de sa nouvelle application. L’équipe de France 4 est accueillie par deux agents de sécurité. Elle est rapidement forcée à quitter le bâtiment. L’un des agents effectue une clé de bras sur le cameraman et entreprend d’effacer les images. Sébastien Abdelhamid fulmine : « vous prenez des dispositions contre nous ! »

Plus récemment, l’Emmerdeur s’est rendu à la maison-mère de Facebook, en Californie. Là-bas, sa voiture a été suivie de près par trois autres véhicules. L’entreprise pesant presque 30 milliards de dollars, on peut aisément comprendre un tel dispositif de sécurité. Pourtant, Sébastien Abdelhamid dit avoir « eu très peur » et ne pas s’être senti rassuré, même après s’être présenté. Malgré ce climat démesurément austère, le journaliste de France 4 souligne avoir été mieux accueilli qu’à Paris. Dans l’interview faisant suite à son reportage, il précise : « ils sont sympas. Mais en fait, pas sympas. » Car, cette fois encore, le chroniqueur est revenu bredouille à la rédaction de sa chaîne.

Sébastien Abdelhamid a dû se résoudre à laisser une simple note écrite au personnel de l’accueil. Avec beaucoup d’impertinence, il précise qu’elle est destinée à Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook. Une conclusion à laquelle s’attendaient bon nombre de spectateurs. Peut-être qu’On n’est plus des pigeons a flairé un bon filon en victimisant quelque peu son Emmerdeur. Peut-être qu’avec plus de 800 millions d’utilisateurs dans le monde, Facebook ne ressent pas le besoin de soigner son image de marque. Il n’empêche que cette position entre singulièrement en contradiction avec les valeurs de partage et de sociabilité prônées depuis toujours pas le réseau social…

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.