La presse britannique, politisée et décomplexée

À l’issue des élections législatives au Royaume-Uni, le conservateur David Cameron a obtenu une majorité au Parlement, à la grande surprise des sondeurs et autres analystes. Les Unes engagées des principaux quotidiens lui ont peut-être donné un petit coup de pouce de dernière minute.

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La politisation des médias fait souvent bondir les Français et renouvelle à chaque fois les accusations de connivence, souvent fondées. On pourrait dire que cette réaction est un peu hypocrite, puisque les journaux reflètent généralement un courant politique. Le partisanisme est là, secret de polichinelle, mais il n’est pas affiché. Par pure déontologie journalistique, vous comprenez.

Au Royaume-Uni en l’occurrence, beaucoup moins de comédie. Le petit théâtre des élections législatives en mai 2015 a changé la donne. La presse britannique, en grande majorité de droite, applaudissait au lendemain du scrutin la victoire de David Cameron. Bien loin des prises de positions des jours précédent l’élection, où les journaux tentaient de donner un coup de pouce aux partis enlisés dans des sondages approximatifs.

La veille du scrutin, tous les tabloïds faisaient leurs Unes sur les candidats d’une façon plutôt particulière. L’humour british avant tout ! The Sun, pour sa part, s’est payé Ed Miliband, le leader du Labour. Avec sa photo peu flatteuse prise en pleine mastication, la légende éclaircie la pensée du quotidien : « voilà ce que Ed fait à un pauvre sandwich sans défense. » Et en lettres capitales : « sauvez notre bacon. » Sans oublier sur l’épaule gauche une Nicola Sturgeon miniature, soulignant les dangers d’une alliance Labour/SNP (Parti nationaliste écossais).

Du côté du Daily Mirror — positionné à gauche — la charge est forcément menée contre David Cameron, main sur la bouche et regard de petit chat triste. Légende : « ECHEC MAJEUR », en référence à la politique menée par le Premier Ministre ces cinq dernières années. Le Daily Telegraph tente le jeu de mot cinéphile avec son « Nightmare on Downing Street » en cas d’élection des travaillistes au gouvernement, référence au classique de l’horreur Nightmare on Elm Street. Au Daily Mail, on accuse le « zélote de la lutte des classes » de vouloir « détruire (leur) économie ». « Ed le rouge » est l’ennemi, et le journal appelle ses lecteurs à ne pas perdre la tête.

Mais le Daily Express fait pire, avec une consigne de vote assumée à demi-mot. Pour bien comprendre, il faut savoir que le propriétaire est également un donateur (à hauteur d’un million de livres sterling) du parti populiste antieuropéen de l’aile droite britannique. La veille du suffrage, il titre : « Pourquoi vous devez voter Ukip ». Comme pour se donner bonne conscience, le journal ajoute « selon Nigel Farage »… dans un bandeau aux couleurs du parti.

Avec sa grande culture de la presse écrite, les journalistes britanniques savent qu’ils toucheront beaucoup plus le public par le print que par les réseaux sociaux. Si leurs lignes éditoriales ont le mérite d’être claires et assumées, les problématiques liées à l’éthique journalistique laissent plus circonspect. Un journalisme décomplexé certes, mais qui dérangerait outre-Manche.

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