Twitter lance Periscope, l’appli voyeuriste

Twitter a lancé Periscope, une application qui permet de filmer et de diffuser des vidéos en direct. Les premières productions laissent perplexe. Nombre d’entre-elles consistent en une exhibition de son quotidien, pas franchement révolutionnaire. À mi-chemin entre voyeurisme, ennui et phénomène de mode.

Ce qui fait fureur sur Periscope ces jours-ci ? Montrer l’intérieur de … son frigo. Mais alors comment en arrive-t-on à partager son intimité via une vidéo du contenu de son garde-manger ? L’appli, officiellement lancée le 26 mars, vient concurrencer Meerkat, son homologue qui existait depuis seulement un petit mois, mais qui connaissait déjà un vif succès, avec plus de 12 000 utilisateurs enregistrés en 13 jours selon El País. Si Periscope a fait parlé de lui lors de l’incendie de New York, avec des partages live de la vue de l’édifice en feu, son utilité est remise en question.

La tendance du moment : montrer l'intérieur de son frigo
La tendance du moment : montrer l’intérieur de son frigo

Seulement disponible pour utilisateurs d’iOS pour le moment, l’appli soulève quelques doutes. Parmi les hashtags les plus populaires figurent #fridgeview et #showusyourfridge, c’est à dire une invitation à faire découvrir à la communauté Twitter l’intérieur de son frigo. Quelque peu déroutant. Une immersion dans l’intimité qui ne fait pas l’unanimité, le quotidien 20 minutes se demandait notamment s’il ne s’agissait pas là d’un nouveau type de “Big Brother”.

https://twitter.com/Havas_SE_UK/status/582897765858058241

Une fois le live lancé, les internautes disposant de l’application peuvent interagir avec la vidéo, en laissant des commentaires, qui apparaissent sur l’image. Si le live vous laisse sans voix, pas de problème, vous pouvez manifester votre enthousiasme par des “cœurs” : il vous suffit de toucher l’écran et ils apparaitront sur la vidéo.

 

Le principe de Periscope : filmer en direct pour livrer une sorte de “live report” personnel. On s’approche donc de la conception du journalisme citoyen, en vogue ces dernières années. Considèrant que chacun peut apporter l’information, les médias ne détiendraient plus le monopole. C’est notamment ce qui a été observé le jour du lancement de l’appli, lorsque les premières images de l’incendie de New York sont parvenue de Periscope, quelques minutes seulement après le brasier, filmées et partagées en direct par les passants, avant que les médias ne soient sur les lieux.

« C’est plutôt les journalistes que les créateurs de Periscope et Meerkat espèrent séduire avec leur produit. Cela a déjà été le cas, notamment lorsqu’un journaliste de Fusion a suivi en direct un incendie au coeur de New York » rapporte L’Obs. Le phénomène intéresse particulièrement les médias, qui doivent sans cesse s’adapter aux nouvelles pratiques journalistiques, qui passent désormais par le partage de contenu audiovisuel et demande une rapidité toujours plus accrue.

Pour la revue californienne Wired, Periscope est plus dans l’immédiateté que son grand frère Twitter ou les applications de partage de photos Instagram et Snapchat. « Il s’agit de la vie en direct, à travers les yeux de celui que je choisi moi ».  Owen Williams, journaliste de The Next Web, site spécialisé en technologies va même jusqu’à considérer que « ces applications vont changer la manière selon laquelle les informations sont vues et sont produites ».

L’idée est née en 2013, lorsque Kayvon Beykpour, l’un des créateurs de Periscope, qui avait prévu de se rendre à Istanbul, en Turquie, a voulu s’informer sur ce qui se passait dans le pays arabe à quelques jours de son arrivée. Avaient alors lieu les protestations de la place Taksim. Remarquant qu’aucun média ne permettait d’avoir des images de la révolte, sans tomber dans le sensationnalisme, et ce, malgré tous les dispositifs technologiques existants, comme le relate Wired, l’américain à peu à peu mûri son projet d’application “live report”. Et, dès son retour, il a lancé Periscope, aux côté de son collègue Joe Bernstein.

L’application se fait aussitôt remarquer. Twitter débourse 100 millions de dollars pour la proposer à ses utilisateurs alors que Periscope est toujours en rodage, informe le New York Times. De nombreux médias se sont livrés à une sorte de « j’ai testé pour vous », et la grande majorité a du avouer que l’application en reste à ses balbutiements.  Pas grand chose à se mettre sous la dent donc. L’Obs a confié sur son site web « notre premier direct sur Periscope a été une vue du frigo – vide – de L’Obs. Mais pour le sentiment de communauté, on repassera : personne n’a suivi la vidéo en direct, et seuls neuf internautes ont regardé le replay ». Idem pour 20 minutes qui explique que « pour l’heure, les utilisateurs effectuent surtout des tests inoffensifs (et sans intérêt pour la plupart) ».

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.