« Même pas peur », nouvelle aventure satirique belge

Le numéro zéro du journal satirique belge Même Pas Peur est sorti à l’occasion de la Foire du livre de Bruxelles le 25 février médiatique. Fruit médiatique de l’après-Charlie ou volonté de secouer l’institution journalistique belge ? Décryptage de ce nouveau titre irrévérencieux.

même pas peur(Crédit: Jean-Philippe Querton/Même pas peur)

« Le journal qui n’a peur de rien ni de personne. » Le slogan donne le ton, la ligne éditoriale montre déjà les crocs. Défini comme « un journal dissident pour des lecteurs dissidents de la pensée unique » par ses fondateurs, le nouveau journal d’opinion est né de l’initiative de deux éditeurs belges revendiquant une diffusion indépendante : les éditions du Cactus Inébranlable et les éditions du Basson, respectivement représentées par Jean-Philippe Querton et Étienne Vanden Dooren.

Après un appel lancé le 8 janvier à la suite des attentats au siège de Charlie Hebdo, les deux éditeurs, « enfants de la génération Hara-Kiri », aboutissent à la constitution d’une équipe riche de 50  journalistes, dessinateurs, peintres, écrivains et autres artistes aussi pamphlétaires que politiquement incorrects.

«Nous avons décidé d’agir en Belgique pour manifester notre solidarité
avec le journal satirique français et pour scander notre soutien à la liberté de penser, de s’exprimer, de dessiner, d’écrire… », expliquent les fondateurs du canard.

De nombreux contributeurs bénévoles ont répondu présents pour monter ce numéro zéro spécial. Parmi eux, les dessinateurs et cartoonistes Kanar, Pad’R, Sondron et Martin Leroy, le sociologue et journaliste Dominique Watrin, l’essayiste Manuel Abramowicz, l’artiste italien Massimo Bartolini, les auteurs Denis-Louys Colaux et Isabelle Baldocchino mais aussi Dominique Maes et Colette Nys-Mazur. D’autres artistes et acteurs issus de la société civile s’ajoutent à la liste tels que André Stas, André Clette, Théo Poelaert, Jean-Paul Verstraeten mais aussi Sandro Baguet, Florian Houdart ainsi que Laurent d’Ursel. Un éventail de talents mobilisés pour ce numéro dont l’initiative se veut plus symbolique que lucrative.

A l’occasion de la Foire du livre de Bruxelles, Même Pas Peur sera d’abord disponible au prix de 2,50 €, dans certains points de vente puis sur Internet en prenant contact avec les éditeurs. Le prix de vente du journal couvrira les frais d’édition du numéro zéro.  Tout bénéfice serait utilisé pour financer le lancement du numéro 1 du journal.

Réponse au Charlie Bashing

Un simple regard suffit à reconnaître une typographie désormais plus que familière. Le projet, qui revendique haut et fort son appartenance au même monde éditorial  que Charlie Hebdo, s’inscrit clairement en réponse au Charlie Bashing, qui a pris la forme d’une alliance en contradiction au mouvement « Je suis Charlie ». Sur Facebook, Jean-Philippe Querton clame à qui veut l’entendre : « Allez, faut qu’on se batte si on veut que vive un Charlie belge ! » dans un groupe nommé lui-même Le projet Charlie du Basson et de Cactus. L’avenir nous dira s’il s’agit seulement d’un passage « coup de gueule », d’une réaction solidaire aux défenseurs de la liberté d’expression, ou si le terrain est propice à l’émergence d’un canard politiquement incorrect sur la scène médiatique belge francophone.

Effectivement, si Même Pas Peur entend développer la presse satirique du pays, il ne la créé pas. Sans doute n’est-ce pas son objectif. En attendant de voir où mènera l’aventure Même Pas Peur, la Belgique francophone est déjà dotée d’un hebdomadaire aussi mordant que caricaturiste. Ubu Pan, vendu à deux euros tous les jeudis,  se décrit déjà avec humour dans son slogan haut en couleur comme « le plus grand [et le seul…] journal satirique belge ». On y retrouve les clés d’un bon canard indépendant: absence de pub garantie, financement uniquement issu du système d’abonnements, recul pris sur l’actualité, articles pointus, illustrations toniques. Et, cerise belge sur le gâteau médiatique, une bonne dose d’autodérision.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.