Le native advertising, ces pubs déguisées en articles

Le « native advertising » ou « brand content » envahit le web. Ces publicités se présentent comme des articles. Même format, même aspect, on discerne difficilement le contenu journalistique de l’article purement marketing. Un deuxième coup d’œil est nécessaire. Le 20 novembre dernier, Le Figaro, un des média de référence, s’est lancé à son tour dans la tendance.

« Même format, autre police » écrit très clairement Benjamin Ferran, journaliste au Figaro, sur son compte Twitter. Les publicités seront désormais intégrées parmi les articles, maquillées dans les couleurs du média. Sur la page d’accueil se côtoient information et marketing présentés identiquement. Il faudra tenter de les repérer au type de police ou à la petite mention « Figaro partner ». Démêler le vrai du faux. En clair, il vous faudra de bonnes lunettes.

Le concept n’est pas totalement nouveau. En France, L’Express propose une rubrique « Le Rendez-vous IT » consacré à la technologie, et en partenariat avec HP. Le concept réside dans le fait que la publicité doit s’intégrer au mieux dans le flux d’information du site. Un contenu « caméléon ». Après la grave crise qui touche la publicité, les annonceurs devaient imaginer une nouvelle stratégie. Les encarts classiques ne rapportaient plus assez. Et, surtout, ils n’étaient plus visités en masse. Le nombre de clic mesure le pouls du produit vendu.

« Les annonceurs veulent être associés à des contenus de qualité, parfois signés par des journalistes, pour qu’un lecteur puisse y trouver son compte », déclarait Eric Mettout, directeur adjoint de la rédaction de L’Express, au blog W.I.P. (Work In Progress) de Slate. Ils visent un plus grand engagement chez le public visé, c’est-à-dire générer de l’intérêt et de la confiance. Les annonceurs tablent sur le fait que les lecteurs rechercheraient de la qualité. Visionner une publicité comme on lirait un article pourquoi pas, tant qu’on en retient une impression de qualité, de valeur ajoutée. Des « publicités informatives ». Les frontières se floutent entre information et annonce publicitaire. La mention “publi-reportage” n’est même plus nécessaire.

Le Monde hésite encore, des voix s’élèvent. « Il y a déjà une immense défiance du lectorat vis-à-vis de la presse, ce n’est pas la peine d’en rajouter en brouillant la frontière entre information et communication », déclarait Alexandre Léchenet, journaliste et président de la société des rédacteurs du Monde.fr au blog de Slate.

Aux Etats-Unis, la démarche est de plus en plus assumée. Le New York Times n’hésite pas à proposer des formats longs, ressemblant comme deux gouttes d’eau à son « Snow Fall » en partenariat avec des entreprises privées. La nouveauté est que journalistes et annonceurs travaillent ensemble. Baptisé le T Brand studio, le bureau réunit journalistes, photographes, graphistes web qui élaborent collectivement les « native advertisements ». 9 personnes au total. Chez leurs concurrents de Buzzfeed, à New York, la « creative team » est logée au même étage que les journalistes.

L’idée directrice pour les barons de la publicité est que le contenu soit partagé. Ils visent le maximum de trafic sur leur site. Les bannières et encarts standards ne rapportaient pas assez. Un nouveau marketing est né. Et les journalistes dans tout ça ? Ils sont un peu perdus. John Oliver, le présentateur de l’émission Last Week Tonight sur la chaîne américaine HBO explique le « native advertising » dans un show assez piquant. Les principales questions en suspend sur interactions publicitaires/journalistes sont bien résumées. Reste à savoir comment le public français va accueillir cette intrusion de la publicité dans ses informations quotidiennes.

Last Week Tonight with John Oliver: Native… par e-mob

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Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.