Science Po : la directrice de l’école de journalisme mise en congé pour plagiat

Agnès Chauveau, directrice exécutive de l’école de journalisme de Science Po, a été suspendue de ses fonctions le 17 novembre pour avoir repris mot pour mot des articles sans citer ses sources.

Le copier/coller passe parfois inaperçu. Quand il concerne la directrice d’une prestigieuse école de journalisme, il devient scandaleux. C’est ce que révèle le site Arrêt sur images en publiant des extraits d’articles sans citation. Le site pointe plus particulièrement cinq chroniques diffusées sur France Culture dans l’émission Soft Power, dont Agnès Chauveau est la principale productrice.

Systématiquement, la chronique est retranscrite sur le Huffington Post. A plusieurs reprises, le billet reprend des articles de RFI, Le Monde ou encore Mediapart. Aucune citation, aucun renvoi n’est pourtant mentionné. Après quelques semaines d’enquête, Arrêt sur images a pu prouver, grâce au logiciel de vérification Plagiarism Checker, que sur vingt chroniques, la moitié contenait au moins une phrase copiée puis collée, sans renvoi aux sources. Des révélations qui éclaboussent l’immaculée réputation de l’école, dont le master de journalisme figure souvent parmi l’un des meilleurs de France dans de nombreux classements.

Aucune malhonnêteté

Interpellée par le site après cette découverte, Agnès Chauveau a tenu à décliner toute forme de malhonnêteté : « j’oublie de citer certains papiers mais ce n’est jamais volontaire et je rectifierai chaque fois que ça pose problème », a-t-elle répondu pour sa défense. Mais Bruno Patino, directeur de l’école de journalisme et par ailleurs directeur des programmes et du numérique chez France Télévisions, ne l’a pas entendu de cette oreille. Le lendemain des révélations de l’affaire, il évoque une atteinte aux règles de déontologie du métier de journaliste. Dans un e-mail adressé à l’ensemble des étudiants et personnels de l’école, il a précisé que « ce genre de choses ne pouvait être pris à la légère ».

Après avoir exigé une évaluation indépendante des faits qui étaient reprochés à la directrice « exécutive », Bruno Patino a ensuite fait savoir aux étudiants et aux enseignants qu’il plaçait Mme Chauveau en congé de ses fonctions. Une démission officielle pourrait être la prochaine issue de l’affaire.

Science Po, fabrique des élites à la dérive ?

Copier/coller quand on dirige une école de journalisme reste un comble. L’apogée même du paradoxe, quand on sait que la charte de l’institution, dans sa rubrique « Droits et devoirs », énonce clairement l’interdiction formelle du plagiat, d’ailleurs sévèrement réprimé : « tout étudiant de l’Ecole de journalisme de Sciences Po […] ne commet aucun plagiat, ne fait pas passer la pensée d’autrui pour la sienne, et cite explicitement les confrères dont il reproduit un texte ou même un fragment de texte de quelques mots ».

L’affaire pourrait aujourd’hui ranimer de vieilles controverses. Elle devrait remettre à nouveau en question les compétences d’encadrement ainsi que la qualité d’enseignement de cet établissement renommé. Pour Bruno Roger-Petit, chroniqueur politique au Nouvel Observateur, ce scandale reflèterait la nouvelle culture maison de l’institution, instaurée sous l’ère Descoings, dont « la marque de fabrique, loin de toute vocation universitaire », se tiendrait sur fond de « reproduction sociale, de com’, de people et de paillettes ».

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.