1914, Dernières Nouvelles, une expérience « in utero »

Capture d'écran de http://1914dernieresnouvelles.arte.tv
Capture d’écran de http://1914dernieresnouvelles.arte.tv

Le centenaire de la Première Guerre Mondiale est l’occasion pour beaucoup de projets hybride de voir le jour. Le webdocumentaire, cherchant encore sa forme, est alors le terrain parfait pour essayer de sensibiliser les jeunes scotchés devant leurs écrans à la mémoire. ARTE et Les Films d’Ici font donc appel à un réalisateur/créateur/webdocumentariste dont le thème de prédilection est la guerre et les armes pour mener le projet. Dans le sillage de ce qui l’a rendu célèbre (La Zone, en 2011) Bruno Masi, a dévoilé, dès le 1er janvier, le chimérique 1914, Dernières nouvelles. Un webdocumentaire non pas sur la guerre mais sur ce qui l’a préparé.

La promesse d’une nouvelle vision de l’avant guerre

En ligne jusqu’en août dernier, le principe du site est d’une simplicité assumée. A chaque jour, une archive sous la forme d’une photo. La promesse revendiquée d’une consultation « feuilletonnée » constitue bien la principale singularité de ce projet. Chaque week-end, les photos laissent place à une courte vidéo conçue comme une revue de presse de l’époque. Tous les thèmes, toutes les histoires oubliées, laminées par la terreur de la Guerre, s’y retrouvent et on y (re)découvre des archives qui ne disent pas l’évidence, mais un conflit encore à l’état larvaire.

1914, Dernières nouvelles. propose également de retrouver des articles de presse de l’époque qui, dans leur jus (à l’exception de certains, légèrement retouchés quand des mots aujourd’hui péjoratifs comme « nègre » sont employés), expriment les maux et les préoccupations de l’époque. Au sein de ce projet l’internaute se sent, à raison de deux minutes par jour, comme un citoyen de l’époque, ou comme un témoin, loin de la mode du ludique-récréatif.

https://www.youtube.com/watch?v=j5f0fB0txq0

La faille de la communication

C’est tout le mérite de ce projet web patient et sérieux. En ce sens 1914, Dernières nouvelles. prend le paris de la forme numérique adaptée en remettant au jour discrètement un véritable retour récit documentaire plus classique. La progression des thèmes, l’atmosphère qui peu à peu s’alourdit des faits d’avant-guerre dressent un portrait glaçant d’une montée inexorable vers les armes. Loin des effets, loin d’un storytelling dramatique. Le FIPA, festival des programmes audiovisuels de Biarritz, ne s’y est pas trompé en décernant fin janvier son prix Sm@rt FIPA au projet

Revers de la médaille : la plateforme ne fournit pas la béquille tant prônée sur le web du récit haletant et joue, avec une sobriété presque contre-productive. Misant sur l’expérience fragmentaire, 1914, Dernières nouvelles. a nécessité malgré tout un effort important pour que le projet survive médiatiquement. Peut-être aurait-il fallu ici d’avantage de roublardise dans la façon de mettre le fil à la patte de l’internaute, de manière à lui amener l’information. Par le biais par exemple d’un « abonnement » mail qui lui aurait permis de retrouver chaque matin de nouvelles archives; ou créer une application mobile.

Reste que l’angle pris par le projet le distingue du bruit et de la fureur en décalant le regard sur l’avant. Difficile de dire si, dans la forme, le but était de ramener les jeunes au devoir de mémoire sans les prendre pour des idiots, ou de conserver un publique restreint d’historiens amateurs. Toujours est-il que cette forme hybride ne survie que par l’originalité de vouloir recréer un quotidien, car il y a un manque de communication autour du projet. Quoi qu’il en soit, avec 1914, Dernières nouvelles, Bruno Masi a lancé le webdocummentaire feuilleton, comme une autre manière d’expérimenter un sujet, non pas en une expérience difficile à ingurgiter à cause de la densité des informations, mais au compte goutte.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.